«Adolescence», c'est LA série phénomène du moment. Dans cette dernière, un jeune de 13 ans est soupçonné du meurtre d'une camarade de classe de son âge, alors qu'il avait l'habitude de se rendre dans les trefonds de la communauté incel en ligne.
Mais qu'est-ce que c'est les Incels? Il s'agit d'une communauté d'hommes qui se rassemblent et se définissent comme des involuntary celibates, des célibataires involontaires. Ils se sentent ignorés par la société et rejetés par les femmes, développant alors une colère et un mépris féroces à leur endroit.
Galvanisés par les discours des influenceurs machistes et masculinistes qui pullulent sur la toile, leur frustration et leur déception se transforment alors en haine. Dans le cas fictif d'«Adolescence», l'issue est fatale pour une jeune fille.
Le psychologue Markus Theunert, de l'association faîtière des organisations masculines et paternelles suisses, estime que la société est en partie responsable de l'attrait exercé par la culture Incel. Décryptage.
Markus Theunert, pourquoi de nombreux jeunes hommes se laissent-ils entraîner par des idéologies misogynes sur Internet?
Parce que nous sommes défaillants en tant que société.
Pouvez-vous préciser?
La norme sociale moderne exige des hommes qu'ils soient empathiques, capables de travailler en équipe et proches de leurs émotions. On fait comme si c'était une évidence que les anciennes conceptions aient été surmontées. Pourtant, cela ne correspond pas à la réalité, et nous laissons les jeunes hommes seuls face à cette contradiction.
Pourquoi la norme moderne ne correspond-elle pas à la réalité?
Dans le monde du travail et de la politique, dans le sport et dans d'autres situations compétitives, des qualités telles que la dureté et la force sont toujours exigées, surtout lorsque les garçons et les hommes sont entre eux.
En quoi consiste la masculinité?
Cela dépend de votre vécu– le bagage génétique joue un rôle, mais il est moins important que ce que l'on pourrait penser – et de la manière dont vous gérez les attentes liées à la masculinité. Vous pouvez vous conformer à la norme, mais vous n'êtes pas obligé de le faire.
C'est en fait un bon point de départ.
Oui, si l'on accepte le défi. Beaucoup d'hommes préfèrent toutefois se mettre en mode pilote automatique ou échouent à s'adapter aux attentes contradictoires liées à la masculinité. Par ailleurs, le soutien est quasi inexistant. Personne ne se sent vraiment responsable. En laissant les jeunes hommes livrés à eux-mêmes, nous les poussons vers la radicalisation.
Ne les prive-t-on pas ainsi de leur responsabilité?
Comprendre un comportement ne signifie pas l'approuver. Il est prouvé que l'incertitude ressentie par de nombreux jeunes hommes favorise les dynamiques de radicalisation. A cela s'ajoute le pouvoir des algorithmes, qui est souvent sous-estimé.
Dans quelle mesure?
Une étude publiée en avril à Dublin montre qu'un compte de réseaux sociaux nouvellement créé par un jeune utilisateur masculin est inondé de contenus misogynes au bout d'une vingtaine de minutes seulement, et ce même si l'utilisateur avait à l'origine des intérêts très différents.
Comment les parents peuvent-ils lutter contre cela?
En montrant à leurs enfants que la masculinité et la féminité ne sont pas des concepts figés, mais qu'ils peuvent être façonnés de la manière qui leur convient.
Est-il vraiment défendable aujourd'hui de dire à un jeune homme: «Ce n'est pas grave si tu t'identifies à une image conservatrice de la masculinité»?
Nous vivons dans une société libre. Si un jeune homme souhaite une partenaire qui reste à la maison et s’occupe du ménage, cela peut sembler dépassé, mais cela reste permis.
A partir de quand, à vos yeux, une limite est-elle franchie ?
Lorsque des convictions débouchent sur de la violence, qu'elle soit psychologique ou physique. Par exemple, lorsqu'un jeune homme insulte des femmes sur le net en raison de leur sexe. Ou lorsqu'il pense avoir un droit sur leur disponibilité sexuelle et prend ce qu'il croit être son dû. Il commet alors une infraction pénale. Et il y a des lois pour cela.