La mort dramatique d’un alpiniste sur le K2, deuxième plus haute montagne du monde, horrifie aussi en Suisse. Des dizaines de personnes ont enjambé le guide pakistanais Mohammad Hassan, mourant, pour atteindre le sommet.
Evelyne Binsack, 56 ans, est une alpiniste suisse aguerrie. Elle s’est rendue trois fois au Mont Everest et a atteint une fois le sommet de la plus haute montagne du monde en solitaire. Elle est choquée par le drame du K2: «Ce qui s’est passé est une tragédie que l’on aurait pu et dû éviter. Mais en montagne, les touristes sont comme des animaux.»
Ceux que l’on rencontre désormais sur les cimes sont des chasseurs de records, des touristes avides de sensations fortes et des personnes qui veulent rayer une entrée de leur bucketlists, rapporte la Suissesse. Ils ne pensent qu’à eux. «Il n’y a aucune raison pour que quelqu’un meure en montagne», soutient-elle. De nombreux touristes paieraient aujourd’hui des sommes astronomiques, se feraient transporter en avion jusqu’au camp de base, puis graviraient la montagne avec l’aide de sherpas et de guides. S’il n’y avait pas de cordes fixes de la base au sommet, 95% des touristes n’iraient pas aussi loin.
«La montagne n’a plus de place pour les alpinistes»
Ce que l’on a tendance à oublier, c’est l’importance de la préparation psychique. «Il faut toujours réfléchir à l’avance. Comment vais-je réagir si quelque chose d’inattendu se produit? Mais celui qui ne se soucie que de son propre objectif, en l’occurrence atteindre le sommet, ne pense manifestement pas à ça.» Cet état d’esprit bafoue les valeurs traditionnelles de l’alpinisme.
Pour Evelyne Binsack, le drame du K2 est un problème de société. «C’est l’une des raisons pour lesquelles les sommets de 8000 mètres ne m’intéressent plus. La montagne n’a plus de place pour les vrais alpinistes, elle n’est plus qu’un eldorado touristique.»
Bien sûr, un sauvetage à plus de 8000 mètres serait très difficile. «Mais avec de la volonté et de l’organisation, on peut y arriver, à condition que la personne accidentée puisse se tenir debout et avancer d’elle-même», détaille-t-elle.
Un comportement «inhumain»
L’alpiniste autrichien Wilhelm Steindl dénonce lui aussi l’absence d’aide apportée au grimpeur pakistanais: «Il est mort là-bas misérablement!» Des dizaines de grimpeurs auraient enjambé le mourant parce qu’ils voulaient absolument atteindre le sommet. «Il aurait suffi de trois ou quatre personnes pour le faire descendre.» C’est un comportement «inhumain», soutient-il au journal autrichien «Standard».
Le jour de la mort de Mohammad Hassan, le 27 juillet, était probablement la dernière possibilité pour environ 200 alpinistes de parvenir au sommet, en raison des conditions météorologiques. Wilhelm Steindl avait fait demi-tour plus tôt, car deux avalanches s’étaient déjà produites. Son collègue et cameraman a filmé l’ascension. Ce n’est qu’en visionnant le matériel qu’il a pris conscience de l’ampleur du drame.
Pas de sauvetage
«D’après le récit de trois témoins oculaires différents, je peux dire que cet homme était encore en vie alors qu’une cinquantaine de personnes sont passées à côté de lui», relate l’Autrichien. Il n’y a pas eu d’opération de sauvetage, bien qu’il y ait eu des guides de montagne et des sherpas expérimentés sur la montagne.
Mohammad Hassan avait été engagé par une société d’expédition pour aider à l’installation de cordes fixes sur le chemin du sommet. Il devait aider les installateurs de cordes expérimentés, pour la plupart des sherpas du Népal, à ouvrir la voie vers le sommet. L’accident s’est produit dans l’un des passages les plus difficiles de la montagne.
Les circonstances exactes du drame sont encore floues, Mais une chose est sûre: la montagne a fait une nouvelle victime.