Accusé d'appartenir à un gang
Les tatouages de cet homme expulsé par erreur déstabilisent Trump

Nouveau rebondissement dans l'expulsion de Kilmar Abrego Garcia: Donald Trump est persuadé que ses tatouages traduisent son appartenance au gang MS-13. Mais ces symboles sont en réalité plus difficiles à déchiffrer et l'appartenance à un gang ne s'y résume pas.
Publié: 24.04.2025 à 21:24 heures
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Kilmar Abrego Garcia a été expulsé le 15 mars dernier vers le Salvador, suscitant beaucoup d'émotions aux Etats-Unis.
Photo: keystone-sda.ch
Luisa Gambaro
Luisa GambaroJournaliste

Décidément, Trump ne recule devant rien pour avoir le dernier mot. Ce samedi 19 avril, il a publié sur X une photo montrant les phalanges tatouées de Kilmar Abrego Garcia, expulsé le 15 mars dernier vers le Salvador. Pour le président américain, c'est une preuve irréfutable de son appartenance au gang MS-13. En effet, la photo montre clairement l'inscription «MS13» sur chaque doigt du coupable présumé. Seulement voilà: la photo a été retouchée. 

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De nombreux internautes ont flairé ce mauvais coup de Photoshop. Mais la Maison Blanche est restée silencieuse aux demandes d'explications de la chaîne américaine CBS News. Ce vilain détail numérique semble presque trop gros pour être vrai, il est donc à supposer que dans son post X, Trump essayait plutôt de déchiffrer les tatouages d'Abrego. Par exemple, il associe le symbole de la tête de mort au chiffre 3, ou encore celui de la croix au chiffre 1.

Depuis sa déportation, Kilmar, puisque certains manifestants ne l'appellent plus que par son prénom, incarne la lutte contre la politique migratoire de l'administration Trump, menée par sa femme, Jennifer Vasquez Sura. 

Légal, mais expulsé

Petit retour sur les faits: d'origine salvadorienne, Kilmar Abrego Garcia est arrivé illégalement aux Etats-Unis à l'âge de 16 ans pour fuir la criminalité organisée de son pays. Plus tard, il a légalement élu domicile avec sa femme et ses trois enfants à Beltsville, dans le Maryland. 

En 2019, il est accusé de faire partie d'un gang criminel, mais est innocenté par la justice américaine. Le juge lui accorde alors une décision de protection et un permis de séjour, censé protéger l'hispanique de toute expulsion vers son pays d'origine, où il risquait les représailles du gang Barrio 18.

Sa vie avait reprit son cours, jusqu'à ce mercredi 12 mars. En rentrant du travail en voiture, Abrego est arrêté par des agents de l'immigration sans mandat et emmené dans un centre de rétention à Baltimore. Trois jours plus tard, il est expulsé vers la gigantesque prison de Tecoluca au Salvador.

Par la suite, l'administration Trump reconnait devant la justice que cette expulsion était une «erreur administrative», affirmant tout de même être incapable de rapatrier le père de famille. Le 10 avril, la Cour suprême hausse le ton et demande au gouvernement de «faciliter» sa libération. Mais les démarches sont encore en cours à l'heure actuelle. Entretemps, Kilmar Abrego Garcia a été transféré dans un autre établissement pénitentiaire.

Des tatouages suspects

Revenons-en à la question des tatouages: seraient-ils vraiment un signe d'appartenance au terrible gang MS-13? La réponse n'est pas si simple. Il faudrait d'abord déchiffrer correctement ces symboles. Interrogé par CBS News, le professeur adjoint à l'Université du Nevada à Las Vegas, Roberto Lovato, expliquent que ces symboles sont «difficiles à interpréter». 

Une fois déchiffrés, il faudrait ensuite trouver d'autres preuves pour affirmer que l'homme fait vraiment partie du MS-13. Toujours sur le plateau de CBS News, le professeur de justice pénale David Kennedy, déclare qu'identifier un membre d'un gang est un processus compliqué et qu'un tatouage seul ne serait pas une preuve juridique assez solide devant un tribunal. 

«Je ne connais aucun cadre réglementaire qui s'appuie uniquement sur les tatouages ou même sur une seule preuve», a-t-il déclaré. Il ajoute aussi que les tatouages peuvent signifier une affiliation passée à un gang, sans que le suspect soit encore un membre actif: «Même si nous considérons que les tatouages sont une indication de l'appartenance au MS-13, ce n'est très souvent pas un statut permanent et les gens cessent d'y être impliqués», explique le spécialiste. 

Même si les tatouages peuvent effectivement être un signe d'affiliation à la criminalité organisée en Amérique latine, la frontière entre lutte contre le grand banditisme et discrimination semble devenir de plus en plus fine aux Etats-Unis. Voilà pourquoi il est important de rassembler de vraies preuves juridiques avant d'envoyer un père de famille dans une prison au Salvador. 

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