Jugées nécessaires au procès
Des premières images «insoutenables» de l'attentat de Nice ont été diffusées

En plein procès des attentats de Nice, des images «insoutenables» ont été diffusées lors d'une audience. Une nécessité pour «comprendre ce qu'il s'est passé».
Publié: 09.09.2022 à 21:58 heures
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Le déroulé des attentats de Nice.
Photo: Sophie RAMIS, Simon MALFATTO, Kun TIAN, Thomas SAINT-CRICQ

«C'est terrifiant», ne peut s'empêcher de s'exclamer le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Laurent Raviot tandis que sur l'écran de la salle d'audience sont diffusées des images de l'attentat de Nice, qui avait fait 86 morts et des centaines de blessés en 2016.

Le policier de la sous-direction antiterroriste (SDAT) chargé d'exploiter les images des caméras de vidéosurveillance prises le soir du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, était appelé à la barre vendredi pour livrer son témoignage écouté dans un silence de cathédrale.

Les images montrées à l'audience ont été soigneusement sélectionnées mais elles provoquent néanmoins un sentiment d'effroi. L'une d'elles montre le camion fonçant sur une foule dense, de dos, en train d'écouter un concert. «Les gens ne voient pas le camion arriver et ne l'entendent pas. Ils ne se doutent de rien. C'est terrifiant car on mesure l'effet de surprise», ne peut s'empêcher de commenter Laurent Raviot.

Sur cette image, on distingue des corps disloqués sur la chaussée dans le sillage du camion. Dans la foule, qui ne se doute de rien et va être fauchée dans une poignée de secondes, on aperçoit une femme tenant un jeune enfant dans ses bras.

Cette photo, comme toutes celles diffusées vendredi à l'audience, provient des vidéos qui pourraient être diffusées, à Paris et à Nice, en milieu de semaine prochaine si la cour le décide.

Avant l'intervention du policier de la SDAT, témoignant sous couvert de l'anonymat, la cour avait brièvement évoqué la possibilité de diffuser l'intégralité des images des caméras de vidéosurveillance. Personne ne s'y oppose vraiment sur les bancs des parties civiles ou de la défense mais le ministère public a mis en garde contre la «violence» de ces images.

«C’est important de voir ce qui s’est passé. Et c’est important pour les parties civiles dans leur démarche de reconstruction», a affirmé Jean-Michel Bourles, l'un des trois avocats généraux. Cependant, met-il en garde, «on va assister en direct au meurtre de personnes, à leur démembrement physique parfois. Et ça va être particulièrement insupportable».

Me Adélaïde Jacquin, avocate de la défense, abonde dans le sens du parquet. «On comprend bien sûr le souhait pour les parties civiles, dans leur parcours de reconstruction, de voir les vidéos. Mais ces images ne serviront en rien à apporter des éléments sur les responsabilités des accusés», souligne-t-elle.

Des image «insoutenables»

Le conducteur du camion-bélier de 19 tonnes, le Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, a été tué par la police après sa course qui a causé le mort de 86 personnes et fait des centaines de blessés. Aucun des huit accusés qui comparaissent devant la cour n'est jugé pour complicité.

Le policier de la SDAT décrit ce qu'il a vu en exploitant les vidéos. «Là on voit que le conducteur donne des coups de volant pour viser délibérément des groupes de personnes... Le plus de personnes possible». Le silence de la salle est oppressant. «Ici, on va voir deux enfants, âgés sans doute de 6 à 8 ans, qui vont être visés et percutés par le camion, poursuit le policier. Le conducteur du camion vise délibérément un landau...».

L'agent de la SDAT estime «nécessaire» la diffusion des vidéos. «Elles montrent la détermination du tueur pour tuer le maximum de gens, hommes, femmes ou enfants». Un silence et il ajoute: «c'est sûr que ça va être insoutenable.»

Dans la matinée, c'est Thierry Pereira, un policier de l'équipe chargée des premières constatations, qui avait témoigné.

Le policier aguerri, ayant le grade de capitaine, a raconté comment il avait extrait une des victimes coincées sur l'essieu du camion.

«J'ai parlé à ce monsieur pour m’excuser de ce que j'allais faire», raconte le fonctionnaire de police en costume, conscient que la manœuvre allait «abîmer encore un peu plus» la dépouille.

La description du camion faite par Thierry Pereira témoigne de la violence des impacts multiples: le véhicule n'a plus de plaque d'immatriculation ni de calandre à l'avant, un garde-boue est tombé, de multiples «traces biologiques», du sang, des cheveux des victimes sont retrouvées sur la carrosserie.

Tout au long du parcours, aucune trace de freinage, mais des traces de pneus à deux endroits, indiquant que le conducteur a volontairement changé de trajectoire pour heurter des enfants devant un stand de bonbons puis des spectateurs d'un concert sur la zone piétonne de la Promenade.

L'audience doit reprendre mardi.

(AFP)

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