«Je ne veux pas qu'ils pleurent»
Voici les derniers mots de Madjid Resa Rahnavard avant son exécution en Iran

Les participants aux manifestations antisystème en Iran sont exécutés par le gouvernement. Parmi eux, Madjid Resa Rahnavard. Une vidéo dans laquelle on peut entendre ses dernières paroles vient de faire surface.
Publié: 17.12.2022 à 17:01 heures
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Dernière mise à jour: 17.12.2022 à 17:15 heures
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En Iran, le gouvernement du président Ebrahim Raisi fait exécuter les manifestants qui participent aux protestations antisystème.
Photo: IMAGO/ZUMA Wire
Lena Heimhalt

Ses yeux sont bandés. Deux hommes masqués se tiennent à ses côtés. C’est l’un des derniers moments de la vie de Madjid Resa Rahnavard. L’Iranien a été exécuté dans son pays lundi. Il a été pendu en public. Dans une vidéo diffusée sur Twitter, le jeune homme de 23 ans a le droit à quelques mots avant son exécution. On lui demande ce qu’il a écrit dans son testament. «Où ils doivent m’enterrer», répond-il. Et «que je ne veux pas qu’ils pleurent». Malgré tout, il trouve la force de donner du courage à ses concitoyens. «Qu’ils ne lisent pas le Coran et ne prient pas, souffle-t-il. Qu’ils soient heureux. Qu’ils jouent des chansons joyeuses.»

Le jeune homme de 23 ans a été condamné pour «inimitié envers Dieu». Il était accusé d’avoir assassiné au couteau deux membres de la tristement célèbre milice paramilitaire Basij en novembre. Selon les autorités, Madjid Resa Rahnavard a avoué son crime. Mais comme l’indique Amnesty International, ces aveux auraient été obtenus sous la torture.

Le gouvernement fait arrêter des milliers de personnes

«L’effroyable exécution publique de Madjid Resa Rahnavard révèle la véritable nature de la justice iranienne: elle est un moyen de répression. Elle livre des personnes à la potence pour répandre la peur et exercer des représailles contre ceux qui osent s’opposer à la situation sociale», a déclaré Diana Eltahawy, spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à Amnesty International.

L’Iran est secoué par une vague de protestations depuis la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini le 16 septembre. Elle avait été arrêtée par la police des mœurs, accusée d’avoir enfreint le code vestimentaire strict du pays.

Depuis, les autorités ont procédé à des milliers d’arrestations dans le cadre de leur répression de ce qu’elles qualifient d'«émeutes». Selon la justice iranienne, onze condamnations à mort ont été prononcées en lien avec les manifestations.

Des étudiants, des sportifs et des musiciens sur la liste des morts

Les exécutions ont été vivement critiquées au niveau national et international. Outre les sanctions internationales liées au conflit nucléaire, d’autres ont désormais été imposées à Téhéran pour violation des droits de l’homme. Selon les observateurs, après les actions du régime, un accord sur le dossier nucléaire (et donc la lueur d’espoir pour l’économie iranienne) n’est plus réalisable.

Le régime entend néanmoins procéder à de nouvelles exécutions, qu’il qualifie de réponse légitime aux débordements qui ont lieu dans le pays. Au moins 23 autres manifestants risquent d’être exécutés. Samedi, le quotidien iranien «Etemad» avait publié une liste établie par les autorités judiciaires, sur laquelle 25 personnes sont accusées de «Moharebeh». Cette accusation d’«inimitié envers Dieu» est passible de la peine de mort, selon la conception de la loi islamique. La «liste des morts» comprend notamment quatre musiciens de rap connus, deux sportifs et trois élèves. Onze accusés ont déjà été condamnés à mort par la justice iranienne.

La police des mœurs a finalement été abolie, a annoncé dimanche le procureur général Mohammad Jafar Montazeri. Active depuis 2006, elle était chargée de «répandre la culture de la décence et du hijab» et opérait en patrouilles violentes.

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