La plupart des constructeurs automobiles se sont préparés depuis longtemps à un avenir entièrement électrique et ont donc adapté leur stratégie commerciale. Des marques comme Abarth, filiale de Fiat, Cadillac ou Smart n'ont déjà plus de modèles à combustion dans leur gamme européenne. Jaguar a récemment annoncé, à grand renfort médiatique, sa transformation en une marque de luxe purement électrique — les premiers modèles devraient être lancés l'année prochaine. Et chez le géant de l'automobile Stellantis, les filiales du groupe Citroën, Maserati, Opel et Peugeot veulent dire complètement adieu à l'essence et au diesel à partir de 2028. Pour la plupart des autres constructeurs européens, cela devrait être fait au plus tard en 2035.
Une clientèle qui n'a pas suivi
Mais on peut de plus en plus douter de la rapidité avec laquelle les véhicules électriques supplanteront complètement les véhicules à combustion dans les showrooms. La réticence des clients à l'égard des modèles électriques est si grande — et pas seulement en Suisse — que l'association des importateurs Auto Suisse tire la sonnette d'alarme: «Nous sommes à mille lieues de l'objectif de 50% de véhicules électriques sur le marché des voitures de tourisme neuves fixé pour fin 2025 par l'ancienne conseillère fédérale Simonetta Sommaruga», déclare le président Peter Grünenfelder.
Et de poser aussitôt des exigences à l'Etat afin de relancer les ventes d'appareils électriques qui, pour la première fois depuis des années, seront en recul en 2024. Il s'agit notamment d'incitations financières telles que des allègements fiscaux, moins de réglementations et une interprétation moins stricte de l'ordonnance CO₂ renforcée qui sera bientôt en vigueur et sur laquelle le Conseil fédéral se prononcera au deuxième trimestre.
La Chine, une terre d'élection difficile
Certains constructeurs ne veulent toutefois apparemment pas compter uniquement sur le soutien des politiques — Porsche en tête. Comme les affaires avec les véhicules électriques sont actuellement loin d'être florissantes, la marque de voitures de sport de Zuffenhausen (DE) veut à nouveau miser davantage sur les moteurs à essence. De nouveaux modèles purement thermiques et davantage d'hybrides seraient prévus pour sortir de la crise après une année 2024 décevante marquée par une nette chute des bénéfices. Cette année, Porsche veut investir jusqu'à 800 millions d'euros dans l'élargissement de sa gamme de modèles.
La situation est particulièrement dramatique en Chine. Sur le plus grand marché automobile du monde, les livraisons de Porsche ont chuté de 28% l'année dernière par rapport à 2023. On craint que le marché phare de l'e-mobilité n'ait bientôt plus rien à offrir à l'entreprise allemande de tradition. D'autres marques allemandes perdent également de plus en plus d'importance en Chine, analyse le «pape de l'automobile» allemand Ferdinand Dudenhöffer, professeur au Center Automotive Research CAR de l'Université de Duisburg-Essen. «Les jeunes constructeurs automobiles chinois sont devenus des concurrents extrêmement féroces et arrachent les clients aux marques premium allemandes». Ils proposent désormais des véhicules compétitifs à des prix bien plus bas.
Vague de désindustrialisation en Allemagne
Porsche aurait, comme les autres constructeurs, investi des sommes extrêmement importantes dans les voitures électriques, qui peinent toutefois à trouver des clients non seulement en Chine, mais aussi en Europe. Le nouveau Macan, la voiture la plus vendue de Porsche jusqu'à présent, n'est actuellement proposé chez nous qu'en version électrique. Mais à Zuffenhausen, on travaille depuis longtemps au retour de la variante à essence. Ferdinand Dudenhöffer ne croit pas qu'il sera possible d'inverser la tendance. Il dessine un avenir sombre: «Cela ressemble à une longue période de disette pour les constructeurs locaux. A la fin de cette période de vaches maigres, l'industrie automobile allemande sera nettement plus petite qu'aujourd'hui». La situation actuelle pourrait même être le début d'une vague de désindustrialisation en Allemagne, prévient Ferdinand Dudenhöffer.
Effet domino
Mais les constructeurs allemands comme Porsche ne sont pas les seuls à remettre de plus en plus en question la stratégie électrique adoptée jusqu'à présent. Alfa Romeo, une autre marque de tradition dans la construction complexe de Stellantis, voulait déjà miser uniquement sur l'électrique à partir de 2027. Presque en même temps que Porsche, les Italiens ont annoncé vouloir continuer à proposer des modèles à moteur à combustion dans un premier temps. Alfa pourrait déclencher un effet domino et dissuader d'autres marques du groupe de se transformer à la hâte. Les véhicules à combustion ne semblent donc pas encore morts, du moins pour le moment.