Images satellites choquantes
Israël tente de créer un no man's land au sud du Liban

Israël détruit des villages au sud du Liban, créant une zone tampon inhabitable le long de la frontière – un véritable no man's land. Cette stratégie viserait à empêcher le retour du Hezbollah après les combats.
Publié: 23.11.2024 à 16:36 heures
Des villages entiers sont détruits par Israël au sud du Liban. Ici, dans un village de l'est, à Makneh.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Avec la destruction systématique de villages dans le sud du Liban, Israël tenterait selon des experts de créer un no man's land dans le but d'empêcher un retour du Hezbollah dans les zones frontalières après l'arrêt des combats.

D'après des responsables libanais, près d'une vingtaine de villages proches de la frontière entre le Liban et Israël ont été détruits à 70% depuis le début le 23 septembre d'une intense campagne de bombardements lancée par Israël au Liban contre le mouvement armé pro-iranien.

Images satellites choquantes

Elle a été suivie le 30 septembre par une offensive terrestre de l'armée israélienne qui a dynamité de nombreux bâtiments. Des images satellitaires consultées par l'AFP montrent des destructions massives dans une dizaine de localités frontalières. «Israël semble créer un no man's land inhabitable tout le long de la frontière», affirme à l'AFP Peter Harling, fondateur de Synaps, un centre de recherche basé à Beyrouth.

Des analystes israéliens interviewés par le bureau de l'AFP à Jérusalem estiment que Israël n'a pas pour but de conquérir le sud du Liban mais de repousser la menace du Hezbollah pour le nord du pays.

«Il s'agit juste d'avoir une certaine garantie que le Hezbollah ne soit plus proche de la frontière et ne puisse plus lancer des attaques contre le nord d'Israël. C'est le but principal (...), nous ne voulons pas du Hezbollah là-bas», explique à l'AFP l'experte et ancienne militaire de l'armée israélienne Orna Mizrahi, de l'Institut d'études de sécurité nationale (INSS).

Israël s'installe

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a accusé le Hezbollah d'avoir placé ses sites militaires et dépôts d'armes dans des zones civiles densément peuplées. L'offensive terrestre israélienne a été lancée après environ un an d'échanges de tirs transfrontaliers quasi quotidiens avec le Hezbollah, qui dit agir ainsi en solidarité avec le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza.

Hachem Haïdar, président du Conseil du sud, l'institution libanaise chargée d'évaluer les dégâts, indique à l'AFP que 18 villages proches de la frontière entre les deux pays, longue de 120 km environ, ont été «détruits à 70%».

Zone tampon

L'objectif d'Israël est de «créer une zone tampon inhabitable», affirme-t-il, estimant que «45'000 bâtiments à usage d'habitation ont été détruits». C'est notamment le cas à Maïss al-Jabal, où plus d'un millier de bâtiments ont été ciblés, selon des données de Microsoft Maps et des analyses satellites des chercheurs américains Corey Scher et Jamon Van Den Hoek.

«Les destructions israéliennes (..) visent à transformer la région frontalière en terre brûlée», déclare à l'AFP Abdel Monhem Choucair, maire de cette localité qui comptait près de 30'000 âmes avant la guerre. «Ils ont détruit les écoles, les mosquées et les infrastructures, même les cimetières n'ont pas été épargnés», ajoute-t-il.

Villages détruits

Dans le petit village voisin de Mheibib, plus de 84% des bâtiments avaient été rasés au 7 novembre, d'après un comptage de l'AFP à partir des mêmes données de Microsoft Maps et des analyses satellites. Plus au sud, à Yaroun, sur les quelques 500 bâtiments que comptait le centre du village, 380 ont disparu, et à Aïta Al-Chaab, un autre village rasé à plus de 60%, certains quartiers entiers sont aussi en ruines, selon la même source.

L'expert militaire Hassan Jouni explique qu'en détruisant ces villages et en incendiant les régions boisées les entourant, Israël veut dégager ses points d'observation. Les autorités libanaises ont accusé Israël d'avoir brûlé des régions boisées et des terres agricoles dans le sud en les bombardant au phosphore blanc.

«Cette zone tampon deviendra exposée au contrôle et à la surveillance des Israéliens», précise Hassan Jouni, ancien commandant de l'école de guerre de l'armée libanaise. Cela rendra impossible de «rééditer l'expérience du 7-octobre à Gaza à la frontière libanaise», ajoute-t-il, en référence à l'attaque du Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza le 7 octobre 2023. Israël a accusé l'unité d'élite du Hezbollah, al-Radwan, qu'il a décapitée par des frappes ciblées, de vouloir attaquer le territoire israélien.

Cessez-le-feu impossible?

Israël s'est retiré en 2000 du sud du Liban après les nombreuses attaques du Hezbollah, à l'issue de 22 années d'occupation. En 2006, une guerre l'avait déjà opposé à la formation pro-iranienne, qui n'a jamais respecté une résolution de l'ONU prévoyant qu'elle se retire de la région.

Aujourd'hui, les négociations par l'entremise des Etats-Unis pour parvenir à un cessez-le-feu portent sur l'application intégrale de cette résolution selon laquelle seuls l'armée libanaise et les Casques bleus doivent être déployés dans cette partie du sud. Calev Ben-Dor, ancien analyste au ministère israélien des Affaires étrangères, explique au bureau de l'AFP à Jérusalem que «les roquettes à longue portée» sont l'une des «principales menaces».

«Une zone de sécurité ne ferait pas grand-chose contre les roquettes», dit-il, mais elle «empêcherait le Hezbollah de revenir dans le sud et d'y établir des positions». Hassan Jouni estime cependant que la tactique israélienne est vouée à l'échec, «car les gens reviendront et rebâtiront leurs maisons en cas d'accord politique». 

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