«Ils sont transformés en viande hachée»
Un soldat russe sur cinq n'a pas survécu deux mois au front

Les réservistes russes ont dû partir au front, parfois sans entraînement préalable. Ils devaient avant tout éviter que les lignes de défense ne soient percées. Mais cette tactique a un prix: celui de nombreuses vies humaines.
Publié: 23.09.2023 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 23.09.2023 à 08:11 heures
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300'000 réservistes russes sont partis à la guerre.
Photo: Anadolu Agency via Getty Images
Jenny Wagner

C'est un destin qui unit désormais de nombreux Russes: passer de la convocation à la mort. De nombreux soldats ont été mobilisés en Ukraine et ne sont jamais rentrés chez eux.

300'000 réservistes ont dû partir pour le front, d'après l'annonce du président russe Vladimir Poutine il y a un an. D'après les découvertes de l'équipe de recherche du portail d'investigation russe Istories et du Conflict Intelligence Team (CIT), un soldat sur cinq n'a pas survécu deux mois.

Au moins 130 personnes sont mortes au cours du premier mois qui a suivi la «mobilisation partielle» de Poutine. Les analyses du CIT se basent sur les données des rapports publics sur les décès. Elles montrent que les 3000 morts officiellement déclarés n'ont survécu en moyenne que 4,5 mois à la guerre. Rares sont les personnes tuées qui ont vécu plus de onze mois.

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«Ils sont transformés en viande hachée. Beaucoup de corps sont disséminés sur le champ de bataille, si bien qu'il est impossible de les reconstituer»
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Des proches racontent que les mobilisés partaient parfois au front sans entraînement. «Ils ont été envoyés à Kherson pratiquement sans préparation», raconte un homme de Tcheliabinsk (Russie). Une tactique sournoise de l'armée russe est à l'origine de cette situation.

De nombreuses victimes de moins de 25 ans

«Au début, les soldats mobilisés remplissaient les vides pour éviter l'effondrement du front», explique le CIT. Une tactique qui a coûté la vie à de nombreux hommes inexpérimentés. Sur la base des 3000 décès analysés, les pertes ont été particulièrement nombreuses pendant les saisons de transition. L'automne dernier, la Russie était encore à l'offensive. Au printemps, l'Ukraine a commencé à reconquérir des territoires.

Les personnes décédées ont en moyenne 33 ans. De nombreux hommes laissent derrière eux des familles et des enfants. Mais des cas isolés de jeunes et de moins jeunes sur le front existent aussi.

Le plus jeune soldat mort au combat avait 19 ans. Si ce sont surtout des jeunes qui sont appelés, c'est parce que leur service militaire ne remonte pas à si longtemps et qu'ils sont en meilleure forme. Un soldat sur dix tombé au front avait moins de 25 ans. En outre, ce sont surtout les hommes des régions pauvres de Russie qui ont été mobilisés: par exemple de Samara, de Bouriatie et du Tatarstan. C'est là que l'on compte le plus grand nombre de victimes.

139 morts en une nuit

«Ils sont transformés en viande hachée. Beaucoup de corps sont disséminés sur le champ de bataille, si bien qu'il est impossible de les reconstituer», a déclaré la femme d'un mobilisé en janvier, alors que les troupes russes étaient engagées dans la cruelle bataille de Makiivka à Donetsk.

En une nuit, 139 soldats, dont des volontaires, sont morts. De même, lors de la bataille de Bakhmout au printemps, au moins 40 recrues ont été sacrifiées en une nuit. «Cela montre une fois de plus que les mercenaires de Wagner n'étaient justement pas les seuls à participer à la conquête de la ville», explique un expert du CIT.

A cause des erreurs tactiques

Le nombre élevé de morts s'explique également par les erreurs commises par l'armée. «Aujourd'hui, notre ancienne position a de nouveau été prise d'assaut. Tous nos hommes ont été tués. 200, 300 soldats. Nous sommes tout simplement de la chair à canon ici», peut-on lire dans une conversation téléphonique interceptée d'un soldat russe. Régulièrement, des officiers ou des soldats déplorent le manque d'équipement ou l'envoi de combattants vers une mort certaine.

Dans son rapport, le CIT a analysé les chiffres officiels publiés dans les médias, mais le nombre de morts non recensés est bien plus élevé. Il est important de noter que seuls les chiffres des 3000 soldats tués ont été analysés. Il n'existe pratiquement pas de données précises sur toutes les victimes en Ukraine. Et lorsqu'elles existent, elles sont remarquablement limitées. «Tant qu'il n'y a pas de corps, il y a de l'espoir», dit-on aux familles. Mais en l'absence de corps, celles-ci n'ont pas non plus droit à des paiements d'assurance. 

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