Espoir ou mirage ? A 60 ans, Boris Nadejdine, vétéran discret de la politique russe, a surpris en parvenant à mobiliser des foules de Russes partisans de la paix en Ukraine et défier Vladimir Poutine à la présidentielle. Dans un pays où critiquer le Kremlin est passible de prison ferme, sa candidature est un souffle d'air frais pour les détracteurs anonymes du régime russe, en quête d'un moyen de s'exprimer sans risquer leur liberté.
Boris Nadejdine a déposé mercredi à la Commission électorale les signatures de plus de 100.000 électeurs le soutenant, un passage obligé pour voir sa candidature validée. «Merci beaucoup à ceux qui ont cru en nous», a-t-il déclaré à la presse. «Personne n'y croyait il y a encore un mois, et certains doutaient encore il y a deux semaines.» Et d'ajouter: «Des millions de personnes (me) soutiennent.»
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«Pas un concurent» selon le Kremlin
Dans un entretien à l'AFP, fin janvier, il a qualifié de «cauchemar» l'offensive contre l'Ukraine et dénoncé le quart de siècle de dérive autoritaire de Vladimir Poutine. Chose rare en Russie aujourd'hui. «Ma candidature donne aux gens une occasion unique de protester légalement contre la politique actuelle», dit cet homme robuste à la petite barbe grise et cheveux ras, dont le nom renvoie au mot «espoir» (nadejda).
Ses promesses électorales: arrêter les combats, mettre fin à la «militarisation» de la Russie et libérer «tous les prisonniers politiques» comme l'opposant Alexeï Navalny. D'autres avant lui sont allés en prison pour de tels propos. Alors pourquoi est-il épargné ? «Je ne sais pas», dit-il. Mais peut-être, que Poutine «ne me considère pas comme une terrible menace», admet l'opposant.
Le Kremlin ne cache d'ailleurs pas son dédain. «On ne le considère pas comme un concurrent», a lâché à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du président russe. Néanmoins, des Moscovites venus cette semaine pour signer leur soutien se demandent si le Kremlin n'instrumentalise pas cette candidature pour donner un exutoire aux mécontents.
Une carrière confidentiele
Peu connu hors du minuscule milieu libéral, l'intéressé raconte s'être lancé en octobre parce qu'aucune figure anti-Poutine plus célèbre n'avait sauté le pas, citant l'ex-maire de Ekaterinbourg Evguéni Roïzman ou encore le prix Nobel de la paix et patron du journal d'opposition Novaïa Gazeta Dmitri Mouratov.
«Honnêtement, je croyais que quelqu'un allait se lancer», confie-t-il à l'AFP. Jusqu'à cette campagne, Boris Nadejdine était cantonné au rôle de souffre-douleur des fanatiques de l'assaut contre l'Ukraine qui peuplent les plateaux des chaînes de télévision. «Je sais bien que ce sera dur de battre Poutine», admet volontiers l'opposant. Néanmoins il espère un bon score qui pourrait signifier «le début de la fin» de l'ère du président russe.
Au cours des trente dernières années, Boris Nadejdine a fait une carrière publique plutôt confidentielle, tout en jouant un rôle de conseiller auprès de personnalités plus connues. Hormis un bref passage comme député à la chambre basse du parlement (2000-2003), ses fonctions électives sont restées locales. Encore aujourd'hui, il est élu municipal de Dolgoproudny, ville située à une vingtaine de kilomètres de Moscou où il est arrivé à la fin des années 1960 et où il vit encore dans un modeste immeuble des années 1980.
Ancien partisan de Poutine
Né en 1963 en Ouzbékistan soviétique, d'une mère professeur de musique d'origine juive et d'un physicien russe, il marche d'abord dans les pas de son père. «Heureusement ou malheureusement je chantais comme une casserole (...) je voulais donc dès le début devenir physicien», racontait-il en décembre.
Diplômé de physique, puis de droit, il obtient son premier mandat de conseil municipal à Dolgoproudny en 1990. Entre 1997 et 1999, selon sa biographie officielle, il collabore avec Boris Nemtsov, qui deviendra un opposant de premier plan à Vladimir Poutine, jusqu'à son assassinat en 2015. M. Nadejdine collabore aussi alors avec Sergueï Kirienko, alors Premier ministre libéral devenu aujourd'hui aujourd'hui une figure clé du Kremlin.
Il raconte avoir travaillé avec le président russe lors de son premier mandat, mais dit avoir rompu en 2003, lors de l'arrestation de l'opposant et patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski. «Ca fait des décennies que je critique Vladimir Poutine», rappelle M. Nadejdine, lui reprochant d'avoir «concentré trop de pouvoirs entre ses mains».