Il n'en a pas le droit
La Cour suprême recadre Trump après son appel à destituer un juge

La Cour suprême des Etats-Unis a publiquement rappelé à l'ordre mardi Donald Trump, en déclarant que le président américain n'était pas fondé à exiger la destitution d'un juge fédéral.
Publié: 19.03.2025 à 09:48 heures
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Dernière mise à jour: 19.03.2025 à 09:49 heures
Ce juge «n'a pas été élu président», a martelé Donald Trump en le qualifiant de «gauchiste radical dérangé.
Photo: KEYSTONE
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AFP Agence France-Presse

L'administration du milliardaire républicain est en conflit ouvert avec la justice depuis plusieurs semaines. Mais un nouveau seuil a été franchi mardi avec les appels du président à ce qu'un juge fédéral, qui avait ordonné samedi la suspension d'une opération d'expulsion de migrants, soit «destitué».

«Depuis plus de deux siècles, il est établi que la destitution n'est pas une réponse appropriée à un désaccord à propos d'une décision de justice», a rappelé dans un communiqué John Roberts, le président de la plus haute juridiction du pays, sans citer directement Donald Trump.

«La procédure ordinaire d'appel existe à cette fin», a-t-il souligné, dans une rarissime expression publique. Donald Trump avait lancé juste avant l'une de ses attaques les plus directes contre l'institution judiciaire.

«Je fais seulement ce que les électeurs ont demandé»

«Ce juge, comme beaucoup des juges corrompus devant lesquels je suis forcé de comparaître, devrait être destitué», a réclamé Donald Trump sur sa plateforme Truth Social, à propos de James Boasberg, magistrat fédéral à Washington. «Je fais seulement ce que les électeurs ont demandé», a-t-il ajouté, estimant que «la lutte contre l'immigration illégale a peut-être été la raison numéro un» de sa victoire à la présidentielle.

Ce juge «n'a pas été élu président», a-t-il martelé, en le qualifiant de «gauchiste radical dérangé, fauteur de troubles et agitateur malheureusement nommé par Barack Hussein Obama».

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«Il n'y a pas de juges pro-Obama, ou de juges pro-Trump, pro-Bush ou pro-Clinton
John Roberts, juge et président de la Cour suprême des Etats-Unis
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Aussi rare qu'il soit, le rappel à l'ordre du président de la Cour suprême n'est pas inédit. En 2018, lors du premier mandat de Donald Trump, à la surprise générale, John Roberts était déjà sorti de sa réserve pour recadrer le président républicain qui, déjà, avait accusé un magistrat d'être partisan. «Il n'y a pas de juges pro-Obama, ou de juges pro-Trump, pro-Bush ou pro-Clinton», avait-il souligné dans un communiqué.

De nombreux décrets attaqués en justice

Saisi en urgence, le juge Boasberg avait ordonné samedi la suspension pendant 14 jours de toute expulsion de migrants menée par l'administration Trump sur la base d'une loi d'exception de 1798. Cette loi permet en temps de guerre d'arrêter et d'expulser des «ennemis étrangers», mais Donald Trump l'a invoquée, pour la première fois, en temps de paix.

Le juge a en particulier exigé d'interrompre l'expulsion vers le Salvador de quelque 200 membres présumés d'un gang vénézuélien. L'administration Trump a fait valoir que les avions avaient déjà décollé et même quitté l'espace aérien américain quand le juge a rendu sa décision écrite et qu'elle n'y a donc pas contrevenu.

Lors d'une audience lundi, le juge s'est cependant montré sceptique et a sommé le gouvernement de s'expliquer. Ce dernier s'est exécuté en réaffirmant qu'aucun avion transportant des migrants expulsés sur la seule base de cette loi d'exception n'avait décollé depuis la publication de la décision du juge. Celui-ci a néanmoins réclamé des informations complémentaires sous 24 heures.

De nombreux décrets pris par Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche ont été attaqués en justice, et souvent suspendus par des juges estimant que le président outrepassait ses prérogatives, notamment au détriment du Congrès.

Les destitutions de juges fédéraux restent rares

Donald Trump, premier président des Etats-Unis condamné au pénal, s'en en souvent pris à l'institution judiciaire. Mais depuis le début de son nouveau mandat, il n'avait pas jusqu'alors appelé lui-même à la révocation d'un magistrat.

Les juges fédéraux sont nommés à vie par la présidence. Une éventuelle procédure de destitution passerait d'abord par une mise en accusation devant la Chambre des représentants. Si celle-ci l'approuve, le processus suivrait son cours avec un procès au Sénat. Et pour que la destitution aboutisse, la chambre haute devrait alors voter pour aux deux tiers. Une procédure lourde et vouée à l'échec en raison de l'actuel paysage politique américain.

Les appels de Donald Trump ont cependant été entendus rapidement, puisque l'élu républicain Brandon Gill a annoncé sur X avoir déjà démarré la procédure de mise en accusation devant la Chambre des représentants du juge Boasberg, qualifié de «militant radical». Les destitutions de juges fédéraux sont rares, et la dernière remonte à 2010.

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