Guerre en Ukraine, un jeudi chargé
La Finlande fait un pas vers l'OTAN, Moscou la menace

La Russie a menacé jeudi la Finlande après que ses dirigeants, échaudés par la guerre en Ukraine, ont annoncé leur volonté d'adhérer «sans délai» à l'OTAN, tandis que la tension montait autour des livraisons de gaz russe à l'Europe, perturbées pour le 2e jour de suite.
Publié: 12.05.2022 à 21:24 heures
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Dernière mise à jour: 12.05.2022 à 21:43 heures
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La Première ministre de la Finlande, Sanna Marin, souhaite que son pays rejoigne l'OTAN au plus vite.
Photo: DUKAS

Le président et la Première ministre de Finlande, Sauli Niinistö et Sanna Marin, se sont dit favorables jeudi à une adhésion «sans délai» à l'OTAN, prélude à une candidature formelle dimanche de ce pays nordique qui partage 1300 km de frontière avec la Russie et fut longtemps contraint à une sorte de neutralité forcée par Moscou.

Si l'adhésion se concrétise, la Russie sera «obligée de prendre des mesures réciproques, militaro-techniques et autres, pour mettre fin aux menaces à sa sécurité nationale», a répliqué le Ministère russe des affaires étrangères dans un communiqué, appelant Helsinki à «prendre conscience de ses responsabilités».

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait auparavant estimé que la réponse de Moscou dépendrait de «l'avancée des infrastructures militaires» vers les frontières russes.

Soutien marqué des Occidentaux

Côté occidental, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, puis le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président français, Emmanuel Macron, ont assuré la Finlande de leur soutien, tout comme des élus clés du Sénat américain.

Si elle postule formellement, «elle sera chaleureusement accueillie au sein de l'OTAN et le processus d'adhésion se déroulera sans heurts et rapidement», a déclaré M. Stoltenberg.

Inquiètes de la réaction de Moscou à leurs probables demandes d'adhésion à l'OTAN, la Finlande et la Suède, qui l'envisage aussi, ont signé dès mercredi des déclarations de protection mutuelle avec le Royaume-Uni.

Tensions autour du gaz russe

La tension montait aussi autour des questions énergétiques. L'Allemagne, l'un des principaux clients européens du gaz russe, a vu ses livraisons via l'Ukraine baisser de près de 40% en deux jours, selon les opérateurs. Le géant gazier russe Gazprom a confirmé mercredi que les volumes livrés à l'Europe via le territoire ukrainien baisseraient de près de 30% ce jeudi, après 18% la veille.

Moscou et Kiev se rejettent la responsabilité de ces baisses. Kiev dit depuis mardi ne plus pouvoir garantir les livraisons via les installations de Sokhranivka, dans la région de Lougansk, en raison de la présence des forces armées russes, et a demandé à Gazprom d'accroître les volumes via un autre point de transit, Soudja.

Mais Moscou assure que le transit peut parfaitement se faire via Sokhranivka, et que réorienter le flot vers Soudja est impossible.

Si les baisses ont été compensées côté allemand par du gaz venu de Norvège et des Pays-Bas, Gazprom a semblé prêt à réduire encore ses livraisons européennes jeudi en annonçant qu'il n'utiliserait plus un gazoduc-clé passant par la Pologne, le Yamal-EuroPol.

Le ministre allemand de l'Énergie, Robert Habeck, a accusé la Russie d'utiliser l'énergie «comme une arme». Outre les perturbations gazières, il a dénoncé les contre-sanctions russes annoncées jeudi contre des sociétés énergétiques occidentales, qui frappent avant tout Gazprom Germania, ex-filiale allemande de Gazprom que l'État allemand a pris sous son contrôle pour son importance stratégique.

«Couper l'oxygène énergétique»

Le président russe, Vladimir Poutine, a assuré de son côté jeudi que les sanctions économiques imposées par l'Occident à Moscou affectaient plus l'Europe que la Russie.

«L'obsession» occidentale en matière de sanctions «va aboutir inévitablement aux conséquences les plus difficiles pour l'Union européenne, pour ses citoyens», a-t-il déclaré lors d'une réunion sur la situation économique.

La question des sanctions et des perturbations gazières devrait être au menu de la visite en Allemagne du ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba. Il doit participer vendredi et samedi à une réunion avec ses homologues du G7 (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis).

«L'Europe doit couper l'oxygène énergétique» à la Russie et «se débarrasser de sa dépendance du gaz russe», a déclaré jeudi M. Kouleba.

Les 27 pays de l'UE s'efforcent de réduire leur dépendance des hydrocarbures russes depuis le début du conflit, mais n'ont pas réussi pour l'instant à s'entendre sur un embargo progressif sur le pétrole russe.

Kiev répète son désir d'adhérer à l'UE

Plus tôt jeudi, M. Kouleba avait à nouveau plaidé pour une adhésion de son pays à l'Union européenne. «On entend très souvent que l'Ukraine appartient à la famille européenne, à présent il importe de (lui) réserver cette place» dans l'UE, a-t-il déclaré à la télévision allemande.

Kiev a présenté sa candidature à l'adhésion à l'UE le 28 février, mais certains des 27 pays membres sont sceptiques, y compris sur l'octroi du statut de candidat à l'Ukraine, question sur laquelle une décision est attendue en juin.

En parallèle du G7, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'OTAN se réuniront aussi vendredi et samedi pour discuter de leur soutien militaire à l'Ukraine et peut-être aussi à la Moldavie.

La cheffe du renseignement américain, Avril Haines, avait estimé mardi que Vladimir Poutine n'avait pas l'intention de se limiter au Donbass et au sud de l'Ukraine, et qu'il voulait étendre son emprise au sud-ouest jusqu'en Transdniestrie, région séparatiste prorusse de Moldavie.

Enquête sur les exactions russes à l'ONU

À Genève, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a approuvé le lancement d'une enquête sur les atrocités reprochées aux troupes d'occupation russes.

Une résolution adoptée par 33 votes pour, 2 contre (Chine et Érythrée) et 12 absentions (dont l'Inde, le Sénégal et le Cameroun) a demandé à une commission spéciale formée début mars sur l'Ukraine de mener une «enquête» sur les graves violations des droits humains imputées aux forces russes dans les régions de Kiev, Tchernihiv, Kharkiv et Soumy à la fin février et en mars 2022. Avec l'intention de «demander des comptes aux responsables».

Cette enquête devrait s'ajouter aux enquêtes de la Cour pénale internationale et des autorités ukrainiennes déjà en cours.

Selon la procureure générale ukrainienne, un premier soldat russe de 21 ans doit être jugé prochainement pour avoir abattu un civil ukrainien de 62 ans qui circulait, non armé, sur son vélo.

Le soldat, Vadim Chichimarine, se déplaçait avec quatre autres soldats russes après l'attaque de leur convoi le 28 février, selon le communiqué de la procureure. Ils auraient volé une voiture dans la région de Soumy (est) et Vadim Chichimarine aurait abattu le civil «afin qu'il ne les dénonce pas», selon le communiqué, qui ne précise pas la date du procès.

Jeudi également, des représentants de l'ONU à New York ont réclamé l'arrêt des bombardements d'écoles en Ukraine, tout en dénonçant leur utilisation à des fins militaires.

Sur le terrain, les combats se poursuivent à l'est et au sud

L'armée russe poursuit son offensive dans le Donbass, où elle ne progresse que lentement, et essaie notamment de prendre «le contrôle total» des localités de Roubijné et de Severodonetsk, selon la présidence ukrainienne.

Les habitants de la région ayant refusé d'évacuer sont souvent favorables à Moscou. «Ils donnent aux Russes nos coordonnées, c'est certain», a indiqué à l'AFP un soldat qui utilise le nom de guerre «Zastava», rencontré sur la ligne de front à Novomykolaïvka

Des frappes aériennes russes ont aussi fait au moins trois morts et 12 blessés dans la nuit de mercredi à jeudi près de Tchernihiv, dans le nord-est de l'Ukraine, selon des responsables locaux.

En gare de Kiev, les retours d'Ukrainiens partis à l'étranger se multiplient depuis le 9 mai, lorsque l'Ukraine redoutait une action militaire d'éclat de la Russie pour l'anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Lorsqu'un train venant de Pologne entre en gare, des cris de joie retentissent. «On s'habitue à la guerre, à la menace. Les craintes qu'on avait il y deux mois sont différentes de celles d'aujourd'hui», explique Dana Pervalska, 27 ans, en accueillant sa cousine sur le quai.

(AFP)

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