Pour la première fois depuis le début des plaidoiries au procès des viols de Mazan, la défense d'un accusé a plaidé l'acquittement lundi. Un second avocat a réclamé pour son client une peine assortie d'un sursis, «pour éviter qu'il rentre à nouveau en prison».
Dominique Pelicot, contre qui la peine maximale de 20 ans de réclusion avait été requise la semaine dernière, a toujours reconnu avoir drogué à son insu son ex-épouse Gisèle, pendant une décennie, pour la violer et la faire violer par des dizaines d'hommes à leur domicile de Mazan (sud). Pour lui, tous ces hommes étaient parfaitement informés qu'elle serait inconsciente.
Dans leur réquisitoire, les deux avocats généraux avaient accrédité cette thèse en réclamant des peines comprises entre 10 et 18 ans de réclusion criminelle pour les 49 coaccusés de Dominique Pelicot accusés de viols ou tentatives de viols et jugés depuis le 2 septembre devant la cour criminelle de Vaucluse, à Avignon. Le verdict est attendu au plus tard le 20 décembre.
«Petits poucets»
Cinquantième coaccusé, Joseph C., 69 ans, fait figure d'exception: il est seulement poursuivi pour «atteinte sexuelle» et le ministère public a réclamé à son encontre une peine de quatre ans de prison avec mandat de dépôt, la peine la moins élevée de son réquisitoire.
«D'un côté, vous avez 'l'ogre de Mazan', pervers, égocentrique, diabolique, à la responsabilité colossale. Et de l'autre, il y a les petits poucets, les petits poissons, bernés, trompés, roulés dans la farine», a plaidé lundi matin son avocat, Christophe Bruschi. Cette nuit du 9 au 10 juin 2020, Joseph C. «avait le projet d'avoir une aventure libertine et il dément 'catégoriquement' avoir su que Mme Pelicot serait droguée», a dit l'avocat.
«Quelques minutes»
«Il s'assied sur le bord du lit, il fait quelques caresses sur les fesses et le sexe, ça va très vite, c'est tout sauf une agression sexuelle. La perception qu'on peut avoir de la réalité d'une situation, elle n'est jamais immédiate, cela suppose quelques minutes, ces minutes qu'il lui a fallu pour se rendre compte de la situation anormale», a-t-il ajouté.
Selon lui, son client n'a pas eu d'érection ce soir-là. «Il n'y a pas d'élément moral, il n'a jamais eu la conscience du non consentement de Gisèle Pelicot et, dans ce cas, l'infraction n'existe pas. Il a fait huit mois de détention provisoire, ça lui servira de leçon pour son imprudence», a plaidé Me Bruschi, en demandant «la relaxe».
«Marionnette»
«J'aurais pu plaider moi aussi l'acquittement, mais ça n'a pas été la demande de mon client», a ensuite affirmé à la barre Paul-Roger Gontard, avocat de Cyrille D., employé du bâtiment de 54 ans venu une fois à Mazan et contre qui le ministère public a requis 12 ans de réclusion.
Contrairement à beaucoup d'autres accusés, Cyrille D. a reconnu être «coupable de viol», car il n'avait pas «eu le consentement» de Gisèle Pelicot. «Si elle ne rit plus, moi non plus je ne ris plus. J'ai été naïf, bête, un âne», avait reconnu à l'audience cet homme, auteur d'une tentative de suicide en détention.
Pour Me Gontard, si son client, à qui il est reproché notamment d'avoir introduit son sexe dans la bouche de Gisèle Pelicot inconsciente, «avait encore son libre-arbitre» lors de sa venue à Mazan, il «avait perdu la possibilité de l'exercer» sous l'influence de Dominique Pelicot qui, par ses «manoeuvres», avait fait de lui «la marionnette de son propre désir». L'avocat a demandé à la cour criminelle de «retenir l'altération du discernement» de Cyrille D. au moment des faits.
Peines exagérées
Evoquant une douzaine de cas où des hommes reconnus coupables de viols en France ont été condamnés à sept années de prison, Me Gontard a demandé une peine inférieure aux 12 années requises par le parquet, réclamant en prime qu'elle soit assortie d'un sursis probatoire, «pour éviter qu'il rentre à nouveau en prison». Cyrille D. a déjà fait 20 mois de détention provisoire.
Dans leurs plaidoiries mercredi et jeudi, les avocats des cinq premiers accusés, dont Dominique Pelicot, avaient plaidé coupable, estimant cependant également pour la plupart largement exagérées les réquisitions du parquet.