Transports, sécurité, pollution
500 jours avant leur ouverture, les JO de 2024 sont ceux de la colère

J-500, ce mardi 14 mars, d'ici à l'ouverture des Jeux Olympiques d'été de 2024 à Paris. Vu les défis à relever, dans une capitale congestionnée, agitée par les grèves au sujet de la réforme des retraites et de plus en plus sale, l'heure est tout, sauf à l'euphorie.
Publié: 13.03.2023 à 10:58 heures
|
Dernière mise à jour: 13.03.2023 à 11:15 heures
1/5
Le futur village Olympique parisien, actuellement en construction (photo de 2022) sera situé sur la commune de Saint-Ouen, au nord de Paris. Une zone souvent citée pour ses problèmes de banditisme liés au trafic de stupéfiants.
Photo: AFP
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Avis au Comité international olympique à Lausanne: difficile, à J-500 de l’ouverture des Jeux olympiques (JO) d’été 2024 dans la capitale française, le 26 juillet, de trouver des Parisiens heureux d’accueillir le premier événement multisport de la planète!

Au contraire. Dans un Paris où la vie quotidienne est, ces jours-ci, fortement compliquée par les grèves et les manifestations à répétition engendrée par la réforme des retraites, et où plus de 80% des habitants trouvent que leur ville est «sale», un sentiment radicalement inverse domine.

Avec, pour cible privilégiée, le projet de tenir la prestigieuse cérémonie d’ouverture sur la Seine, en présence d’environ 600’000 personnes, alors que l’essentiel des compétitions se déroulera à Saint-Denis, au nord de la capitale: deux habitants sur trois ne font simplement pas confiance à l’actuelle municipalité, à la région Île-de-France et à l’État pour garantir la sécurité et le bon fonctionnement des infrastructures ce vendredi 26 juillet 2024.

Les souvenirs des JO? Rien dans les vitrines

Avis, surtout, aux passionnés de sport et aux collectionneurs de souvenirs liés aux JO, pressés de ramener de Paris un logo, un mug, un tee-shirt ou une carte sur ce prochain rendez-vous olympique: pas un magasin ouvert, aucun étalage dans les boutiques des aéroports, aucune fiesta commerciale n’est encore enclenchée.

L’exploitation commerciale des Jeux est pour l’heure au point mort. Idem pour les expositions ou autres initiatives publiques destinées à relater l’histoire de cette compétition destinée à commémorer le centenaire des précédents Jeux parisiens, en 1924, dont le défilé inaugural présidé par le baron Pierre de Coubertin et le président de la République Gaston Doumergue dura 45 minutes, le 15 juillet de cette année-là. Une première expo photographique, succincte, a eu lieu dans le quartier du Châtelet, du 19 juillet au 4 septembre 2022. Rien depuis.

Le 15 juillet 1924 déjà…

15 juillet 1924. Cette date, d’ailleurs, a de l’importance. Il y a cent ans, pour des raisons de commodité logistique, la fête olympique avait eu lieu dans la foulée du traditionnel défilé du 14 juillet, particulièrement important en cette année de commémoration des dix ans du déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Rien de cela un siècle plus tard. Le défilé militaire, sur les Champs-Elysées, aura bien lieu comme prévu le 14 juillet 2024. Puis dix jours plus tard, une fois toutes les estrades et installations démontées, bis repetita le long de la Seine, ce fleuve qui, selon les organisateurs, sera bien «baignable».

Ce mardi 14 mars, Emmanuel Macron rencontrera tous les acteurs des JO avec un discours présidentiel à la clef. Coïncidence politique éloquente: c’est le lendemain mercredi que se réuniront les quatorze députés et Sénateurs supposés trouver une issue parlementaire au projet de loi reportant l’âge de départ à la retraite à 64 ans au lieu de 62! Une nouvelle journée de mobilisation aura lieu le 15 mars, jour de la possible conclusion de ces négociations législatives.

«On ne balade personne!»

Alors les Parisiens, bien trop inquiets? Ou traditionnellement bougons et grincheux, comme le veut leur réputation? Oui pour les représentants de l’État: «On ne balade personne, rassurez-vous!», assure-t-on d’emblée à l’Élysée, où l’on déroule les chiffres, comme si tout était déjà prêt.

Sept millions de spectateurs des JO à transporter, en plus des voyageurs habituels, entre le vendredi 26 juillet et le dimanche 11 août, sur les vingt-cinq sites retenus pour les épreuves sportives. 250’000 «accrédités» – sportifs, journalistes, invités, accompagnants… – à prendre en charge et à ne pas décevoir, vu l’impact de cette séquence olympique pour le prestige de «la plus belle ville du monde». Trois millions de spectateurs ensuite, après la rentrée scolaire de septembre, pour les Jeux Paralympiques sur dix-sept sites.

Quiconque a l’habitude de prendre les transports en commun parisiens sera étourdi par cette avalanche de chiffres. Problème: les retards s’accumulent déjà dans les 170 chantiers du projet du Grand Paris, destiné à étoffer le réseau urbain de la capitale d’ici à 2024. Sans parler de l’épreuve logistique que constitue l’accès aux installations. Le 29 mai 2022, la catastrophe que fut la finale de la Ligue des Champions entre Liverpool et le Real Madrid (0-1), avec des milliers de fans dépouillés et agglutinés contre les barrières avec de faux billets, a démontré comment, à Paris aujourd’hui, tout peut déraper.

Les transports, le sujet qui fâche

La réponse, côté autorités? Une formule magique plusieurs fois répétée lors d’un briefing élyséen en vue de ce J-500: «Soyez certains que ces sujets liés au transport sont réalisés dans des délais qui nous semblent tout à fait conformes à nos besoins puisque encore une fois, on a eu l’ensemble de ces éléments de stratégie, de planification et qui sont en cours de travail. Ça ne veut pas dire qu’on a la possibilité́ de s’arrêter et de partir en vacances six mois, loin s’en faut, il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire.»

Idem pour la grande fête sur la Seine du 26 juillet 2024, considérée par beaucoup d’experts comme un casse-tête sécuritaire: «Sur la question de la cérémonie d’ouverture, là encore, il y a un travail très méticuleux qui est réalisé. Le ministère de l’Intérieur n’est pas en mesure de donner l’ensemble des points de détail que vous semblez vouloir avoir sur les conditions de sécurité pour la simple et bonne raison que dans le process, il y a d’abord une étape qui consiste à ce que le Comité d’Organisation finalise le concept artistique de la cérémonie.»

Bon… On est donc reparti avec nos questions. Sans guère de réponses. Pas de quoi rassurer alors que va s’ouvrir, ce mercredi 15 mars, le tirage au sort pour la vente des billets à l’unité. 3,25 millions de billets (par packs de trois à trente) ont déjà été vendus à l’issue d’une première phase de vente lancée le 15 février.

Rendez-vous ce 12 avril pour la cérémonie d’ouverture

Allô, Lausanne? Une date est pour l’instant prévue. Ce 12 avril, une première présentation du concept de la cérémonie d’ouverture sera faire par le Comité d’organisation des JO, présidé par l’ex-Triple Champion Olympique de Canoë Tony Estanguet.

Une seconde présentation «plus précise» aura ensuite lieu à la fin de l’été. Sur l’état des lieux relatif aux transports en commun en revanche, le mystère plane. Il faudra, durant les deux semaines des JO, transporter autant de monde qu’un jour normal d’une période hors vacances. Le Comité international olympique exige par ailleurs que «100% des spectateurs puissent rejoindre les sites en transports en commun».

En clair: 60’000 personnes par heure à convoyer. «Un immense défi» titrait ce dimanche le quotidien français «Le Monde». Tous les regards convergent par exemple vers la ligne 13 du métro, reliée au Stade de France par un tunnel de 1,3 kilomètre, aujourd’hui très peu sûr, sale et étroit, où les embouteillages de passagers peuvent vite virer au drame.

Le RER B, souvent paralysé par les grèves, est aussi dans le collimateur. S’y ajoute la question des embouteillages automobiles sur le fameux boulevard périphérique construit dans les années soixante qui ceinture la capitale.

Les Jeux de la colère?

Les Jeux Olympiques d’été 2024 seront-ils ceux de la colère? Les Parisiens, en tout cas, ont toutes les raisons de les détester avant qu’ils n’aient lieu. Les Français, eux, demeurent à 69% favorables à l’événement, mais 80% d’entre eux estiment que les billets sont trop chers.

Avec cette épée de Damoclès: 64% des personnes interrogées n’ont pas confiance dans le comité d’organisation des JO 2024 pour «maîtriser le coût de cet événement et équilibrer son budget entre les dépenses et les recettes».

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la