Au lendemain d'une 10e journée d'actions moins fournie et aussi moins chaotique que prévu, les deux parties se donnent un peu d'air pour faire retomber la tension avec la perspective de cette rencontre, alors que le conflit dans la rue est entré dans son troisième mois.
De là à envisager une sortie de crise? Il y a loin de la coupe aux lèvres et l'intersyndicale a prévu une 11e journée d'actions le 6 avril. Mardi, le ministère de l'Intérieur a recensé 740'000 manifestants dans toute la France, dont 93'000 à Paris, la CGT «plus de 2 millions» dont 450'000 dans la capitale.
D'ici là, les syndicats ont rendez-vous avec Elisabeth Borne. Lundi, mardi ou mercredi? La date n'est pas encore arrêtée mais «on ira», a révélé le N.1 de la CFDT Laurent Berger sur TMC jeudi soir, visiblement pas mécontent de ce petit coup de théâtre.
«On ira. On en a parlé entre nous. Oui, on pense collectivement qu'il faut y aller pour porter nos propositions», a déclaré Laurent Berger. «Y compris» la proposition de médiation dans le dur conflit des retraites dont l'hypothèse avait pourtant été balayée par Olivier Véran dans la journée.
Discussions préalables
Matignon a confirmé l'invitation mais n'a fait aucun commentaire sur son ordre du jour. «Ce qui est sûr c'est que nous on ira discuter des retraites. Et du travail parce que ça va avec, mais (surtout) des retraites!», a insisté Laurent Berger. Interrogés dans la foulée, des syndicats ont semblé nuancer les affirmations de Laurent Berger.
«On a encore besoin d'en discuter en intersyndicale», a fait valoir la codéléguée de Solidaires, Murielle Guilbert. «Ça nécessite une discussion entre nous au préalable», dit également François Hommeril, président de la CFE-CGC.
Alors que la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites est attendue d'ici trois semaines, et sur fond de montée de la violence, la Première ministre Elisabeth Borne, avait promis ce week-end de «mettre de l'apaisement».
A l'Elysée, où Emmanuel Macron a reçu lundi les cadres de la majorité et du gouvernement, le chef de l'Etat a dit vouloir «continuer à tendre la main aux forces syndicales», mais sur d'autres sujets que les retraites, selon un participant. Et l'exécutif de camper fermement sur sa position: la réforme qui prévoit le report de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans s'appliquera. Le cœur de son projet. Celui aussi de la contestation.
Un dialogue de sourds?
Par la voix d'Olivier Véran son porte-parole, le gouvernement a encore écarté à l'issue du Conseil des ministres mardi, l'hypothèse d'une pause dans l'application de la réforme. Membre de la majorité, le Modem n'a pas dit non à l'idée d'une médiation.
Selon Olivier Véran, rien n'empêche «dans l'intervalle» de la décision du Conseil constitutionnel, «de commencer à discuter des modalités d'application des différents éléments du texte» qui envoie régulièrement plus d'un million de personnes dans les rues depuis deux mois. Si elles ont bien lieu, les retrouvailles entre gouvernement et syndicats mettront-elles seulement en scène un dialogue de sourds?
Autre donnée de l'équation, l'intersyndicale et l'exécutif devront faire avec une nouvelle direction de la CGT dont le 53e congrès à Clermont-Ferrand se déroule dans une atmosphère houleuse pour le secrétaire général sortant Philippe Martinez. La confédération est sur un volcan et les orientations comme l'élection du ou, plus probablement, de la nouvelle N.1, pourraient déboucher sur une CGT «plus offensive».
(ATS)