Le Sénat a adopté lundi une proposition de loi de la droite visant à «protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive.» Après des débats très animés qui ont ravivé le clivage gauche-droite, les sénateurs ont voté à 221 voix contre 82 ce texte qui permet d'interdire l'utilisation de l'écriture inclusive dans un large panel de documents (actes juridiques, modes d'emploi, contrats de travail...). Rien n'assure néanmoins que ce texte sera ensuite inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, préalable à son adoption définitive.
Les sénateurs demandaient l’interdiction des mots grammaticaux constituant des néologismes tels que «iel», contraction de «il» et «elle», ou «celleux», contraction de «celles» et «ceux». La proposition de loi prévoit aussi d’inscrire l’interdiction de l’écriture inclusive dans le code de l’éducation, alors que son utilisation est déjà proscrite à l’école par une circulaire de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer en 2021.
Adopté et même renforcé en commission, le texte suscite l’indignation d’une partie de la gauche. «C’est un texte inconstitutionnel, rétrograde et réactionnaire, qui s’inscrit dans un courant conservateur de longue date de lutte contre la visibilisation des femmes», s’offusque le sénateur socialiste Yan Chantrel.
«Ne pas céder aux airs du temps»
Hasard du calendrier, ce lundi était aussi le jour de l'inauguration par Emmanuel Macron de la Cité internationale de la langue française dans le château restauré de Villers-Cotterêts. Le président français a aussi choisi d'aborder la question de l'écriture inclusive et de l'utilisation du point médian. Il a appelé à «ne pas céder aux airs du temps», en allusion aux néologismes visant à rendre visible le féminin des mots, selon leurs défenseurs afin de lutter contre les inégalités femmes-hommes.
«Il faut permettre à cette langue (française) de vivre (...) mais en garder aussi les fondements, les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe», a lancé Emmanuel Macron à la mi-journée dans ce château de l'Aisne. «Dans cette langue, le masculin fait le neutre, on n'a pas besoin d'ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible», a ajouté le chef de l'Etat dans une offensive peu masquée.
Le texte de la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny s'y attaque encore plus frontalement et prévoit de bannir cette pratique «dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir règlementaire) exige un document en français».
(AFP)