Des milliers de personnes ont commencé à défiler à Paris pour la «grande marche civique» contre l'antisémitisme. Une bonne partie de la classe politique française, dont l'extrême-droite, est présente, mais pas le chef de l'Etat ni l'opposition de gauche radicale.
«Pour la République, contre l'antisémitisme»
«Pour la République, contre l'antisémitisme»: derrière une banderole reprenant le mot d'ordre de cette manifestation, la tête du cortège s'est élancée vers 15h10 depuis le parvis de l'Assemblée nationale. L'esplanade des Invalides était noire de monde, selon des journalistes de l'AFP, tandis que les stations de métro étaient engorgées, témoignant d'une très forte affluence.
Un carré de personnalités politiques, au premier rang desquelles les deux têtes du Parlement, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, à l'initiative de cette marche, ainsi que la Première ministre Elisabeth Borne, les ex-présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, ainsi que le président du Crif Yonathan Arfi. Des représentants des cultes, plusieurs anciens chefs de gouvernement et de nombreux ministres étaient également aux avant-postes du défilé, plusieurs centaines de mètres en amont des milliers de participants regroupés sur l'esplanade des Invalides.
«Je ne pensais pas devoir manifester un jour contre l'antisémitisme», a témoigné auprès de l'AFP Johanna, 46 ans, secrétaire médicale en Seine-Saint-Denis, venue «pour la seule raison de ne pas avoir peur d'être juif». La France compte la communauté juive la plus importante d'Europe, avec plus de 500'000 personnes.
Pour un «sursaut citoyen»
Plus tôt dans la journée, d'autres rassemblements ont réuni 3000 personnes à Lyon, autant à Nice, également quelques milliers à Strasbourg.
«Notre ordre du jour, c'est la République», a résumé Gérard Larcher, appelant sur Public Sénat à un «sursaut citoyen» face à l'explosion du nombre d'actes hostiles aux juifs depuis les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre et la riposte militaire massive qui a suivi. Une cause pour laquelle «tout le monde devrait se sentir concerné», a jugé sur Radio J le grand rabbin de France Haïm Korsia, regrettant que le sujet ait tourné au pugilat politique, «une honte» selon lui.
«Les postures n'ont pas leur place» dans cette manifestation, a mis en garde Elisabeth Borne dans un tweet dimanche matin, ciblant à la fois la gauche radicale de La France insoumise dont «l'absence parle d'elle-même», et l'extrême droite du Rassemblement national dont «la présence ne trompe personne».
Quelques tensions
«Nous sommes exactement là où nous devons être», a rétorqué Marine Le Pen quelques heures plus tard depuis les Invalides, fustigeant la «petite politique politicienne» de ses détracteurs qui soulignent depuis plusieurs jours le passé antisémite de son parti.
La présence de l'extrême droite était cependant source de quelques tensions dans le défilé. Un groupe de militants de l'organisation juive de gauche Golem a ainsi brièvement essayé de s'opposer à sa participation au début de la manifestation, avant d'être contenu par la police.
Les partis de gauche Europe Ecologie-Les Verts, PS et PCF ainsi que des associations de défense des droits humains et des organisations de jeunesse ont eux choisi de s'afficher derrière une banderole commune «contre l'antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme» dans une démarche de «cordon républicain» face à l'extrême-droite.
Dans ce climat tendu, un important dispositif de sécurité était déployé avec «plus de 3000 policiers et gendarmes» ainsi que «des unités d'élite mobilisées», selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Macron était absent
Emmanuel Macron, lui, a décidé de ne pas défiler. Le président de la République s'est adressé aux Français samedi soir, par le biais d'une lettre publiée par le journal Le Parisien. Il y a déploré «l'insupportable résurgence d'un antisémitisme débridé». «Une France où nos concitoyens juifs ont peur n'est pas la France», a-t-il écrit, en lançant un appel à l'unité du pays «derrière ses valeurs, son universalisme».
Mais La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon manquait à l'appel. Le parti de gauche radicale, accusé d'ambivalences sur l'antisémitisme, boycottait en effet la manifestation du fait de la présence du RN, même si des Insoumis ont participé à d'autres rassemblements en province.
Fracture grandissante
Signe d'une fracture grandissante, le dépôt de gerbe organisé par LFI en fin de matinée près de l'emplacement de l'ancien Vel d'Hiv a été perturbé par un groupe de contre-manifestants arborant des pancartes «Touche pas à la mémoire», aux cris de «collabos». L'oeuvre d'«une dizaine d'excités», a réagi la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot.
Les responsables musulmans étaient par ailleurs divisés, plusieurs organisations ayant déploré que l'appel à manifester ne comporte «pas un mot sur l'islamophobie» et pointé «les amalgames» entre islam et antisémitisme.
(ATS)