Est-ce le signe du durcissement à venir en France, envers les migrants en passe d’être expulsés, présumés ou reconnus coupables d’actes criminels? Jusque-là, le parcours chaotique des jeunes migrants interpellés après un délit n’était pas exposé publiquement dès le jour suivant comme c’est le cas pour le jeune Marocain de 22 ans arrêté à Genève mardi 24 septembre au soir.
Il s’agirait du meurtrier et violeur présumé de Philippine, 19 ans, dont la dépouille a été retrouvée samedi après-midi sur un terre-plein du Bois de Boulogne, à l’ouest de Paris. L’intéressée avait disparu depuis la mi-journée vendredi, après avoir quitté la faculté d’économie de Paris-Dauphine, juste à côté. Elle y était inscrite en troisième année d’ingénierie financière.
Qu’apprend-on sur le parcours de ce jeune homme frappé d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis le 16 juin 2024? Que son parcours est celui d’un récidiviste qui aurait dû regagner le Maroc, mais n’a pas été expulsé en raison de complications administratives.
Géolocalisé à Genève
L’homme arrêté à Genève, sans doute grâce à la géolocalisation de son téléphone portable et au contrôle vidéo biométrique aux frontières, était arrivé en France en juin 2019 à l’âge de 17 ans, avec un visa de touriste, pour rendre visite à un membre de sa famille. Deux mois plus tard, il commettait un viol et se retrouvait devant la justice des mineurs, écopant d’une condamnation maximale: sept ans de prison. Ce qui l’a conduit à en passer cinq derrière les barreaux, au centre de détention de Joux La Ville (Yonne). Il venait d’être remis en liberté au printemps dernier. Pour être aussitôt placé en centre de rétention à Metz, en Lorraine.
C’est à ce stade de la procédure, et de son parcours, que tout a dérapé. Frappé d’une obligation de quitter le territoire signée le 18 juin, le jeune homme a d'abord été maintenu en rétention. Puis il s'est vu, le 2 septembre, imposé une assignation à résidence, mesure lui permettant de quitter le centre fermé où il était maintenu en captivité. Il s’est retrouvé alors assigné à résidence dans l’Yonne, en Bourgogne, logé dans un hôtel réquisitionné pour les sans-domicile fixes, avec obligation de pointer au commissariat local. Problème: Il a enfreint cette règle. Coïncidence problématique: l’ambassade du Maroc à Paris a tardé à délivrer le certificat consulaire indispensable à son départ, au motif que les documents n’avaient pas été adressés au bon service par les autorités françaises.
Laissez-passer consulaire
Rappel des faits. Le 6 septembre, le laissez-passer consulaire indispensable à l’expulsion des migrants sans passeports est enfin délivré. Mais le jeune homme a disparu entre-temps, cessant de pointer chaque jour au commissariat comme l’y obligeait son assignation à résidence. Après son arrestation près de la gare Cornavin mardi 24 septembre, où il était arrivé en provenance d'Annecy, les autorités genevoises attendent désormais de l'extrader en France. Son interpellation rapide serait le résultat de la géolocalisation téléphonique et de son repérage par les caméras de vidéo surveillance.
C’est dans sa cavale, à Paris où il s'était rendu en train, que des témoins disent l'avoir aperçu au Bois de Boulogne, haut lieu de la prostitution parisienne, à proximité des quartiers les plus huppés de la capitale. Les circonstances de son éventuelle rencontre avec Philippine, l’étudiante de Dauphine, ne sont pas élucidées. Il est fréquent que des étudiants de cette université se plaignent d’être agressés par des SDF ou des jeunes en difficulté, qui errent dans ces parages, également connus pour abriter des points de deal de stupéfiants.
Pourquoi la publication de ce parcours est-elle révélatrice, quelques jours après la nomination du gouvernement de Michel Barnier, samedi 21 septembre? Parce que le nouveau titulaire du ministère de l’Intérieur Bruno Retailleau, ex-leader de la droite au Sénat, a multiplié les appels à la fermeté envers les migrants. «J’ai un objectif: prendre tous les moyens pour faire baisser l’immigration en France», a-t-il déclaré lundi, dans un entretien télévisé que n’aurait pas démenti la patronne du Rassemblement national (droite nationale populiste) Marine Le Pen.
Sous la coupe du RN
L’affaire du bois de Boulogne intervient en effet alors que le gouvernement de Michel Barnier est accusé d’être sous la coupe du RN, dont son sort politique dépend à l’Assemblée nationale. Mardi, le nouveau Premier ministre a joint Marine Le Pen au téléphone pour lui présenter des excuses après que le nouveau ministre de l’Économie Antoine Armand a annoncé, en plein début de la négociation budgétaire, sa volonté de ne pas recevoir les élus de ce parti.