Les parents ont-ils perdu toute autorité sur leurs enfants mineurs, addicts aux réseaux sociaux et de plus en plus violents, surtout dans les villes? Oui, viennent de répondre plusieurs maires de municipalités françaises. Leur réponse? Un couvre-feu pour les mineurs à partir de 18 heures. Interdiction de circuler seul ou en bande. Mais attention: pas n’importe quels mineurs. Les premiers arrêtés municipaux concernent pour l’essentiel les moins de treize ans.
Le signal de départ de ces mesures de restrictions des libertés pour les mineurs, en raison de la violence urbaine et scolaire croissante, est venu des Antilles. Là-bas, dans les Caraïbes, comme sur l’île de Mayotte dans l’Océan Indien, les îles de la République française ne se portent pas bien. A Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, 40% des faits de délinquance de ces derniers mois ont été commis par des mineurs âgés de 15 à 17 ans. Résultat: le préfet est passé à l’acte lors de la visite sur place du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Annoncé le 18 avril, le couvre-feu pour les mineurs y est entré en vigueur pour la première fois ce lundi. Il interdit aux mineurs de se déplacer seuls, sans la présence d’adultes accompagnants de leur famille, entre 20 heures et 5 heures du matin. Il concerne la ville de Pointe-à-Pitre et quelques quartiers de banlieue ciblés en raison de leurs taux de violence. Ces zones ont été désignées car elles sont le théâtre de «la survenance la plus fréquente des faits de délinquance».
Béziers, puis Nice
Et dans l’hexagone? La mesure guadeloupéenne a vite été copiée. Dès lundi, le maire très à droite de Béziers (Hérault) Robert Ménard a pris un arrêté lundi instaurant un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans non accompagnés. Plus révélateur encore, le maire de Nice, la capitale de la Côte d’Azur si balnéaire, est, lui aussi, passé à l’acte. Christian Estrosi a, en promulguant cet arrêté municipal qui interdit la ville aux mineurs de moins de treize ans non accompagnés de 23 heures à six heures du matin, réitéré une mesure qui a existé entre 2009 et 2019. Son arrêté n’est, lui, pas encore en vigueur. Il aura force de loi à partir du 1er mai et pour toute la période estivale. Objectif? Porter un coup à la petite délinquance qui voit des bandes mafieuses organisées utiliser des très jeunes voleurs sur des lieux très fréquentés comme la place Garibaldi ou la promenade des Anglais, pour échapper ensuite aux foudres de la justice.
La population concernée, à savoir les moins de treize ans, est-elle la plus problématique? A priori non. Plusieurs événements récents survenus en France, comme le meurtre du jeune Shemseddine à Viry-Chatillon (Essonne, sud de Paris) le 4 avril ou le tabassage d’une collégienne à Montpellier le 2 avril, ont été perpétrés par des adolescents âgés de 15 à 17 ans. Dans les deux cas, les réseaux sociaux ont servi d’accélérateurs et d’instruments dans les règlements de compte. L'autre confirmation, après les investigations policières dans ces deux affaires, est celle des difficultés rencontrées par les mères isolées pour encadrer leurs enfants, dans des familles monoparentales de plus en plus nombreuses dans les quartiers difficiles.
Pourquoi treize ans?
Alors, pourquoi treize ans? Le maire de Béziers Robert Ménard, longtemps proche de Marine Le Pen, a justifié sa mesure par les émeutes urbaines de juillet 2023, suite à l’interpellation mortelle à Nanterre (hauts de Seine) d’un jeune de 17 ans. Les quartiers s’étaient alors enflammés partout en France et des très jeunes avaient pris part aux actes de vandalisme dans les grands magasins. «Pour l’instant, il s’agit de sensibiliser les enfants et les parents a expliqué l’élu. Quand t’es un mioche de 10-11 ans, tu ne traînes pas à 3 heures en ville. Ça fera pour les parents une leçon de morale, parce que quand ils viendront au commissariat, ils se feront remonter les bretelles.»
Responsabiliser les parents
La question de la responsabilisation des parents revient souvent en France. «Responsabiliser ces parents, c’est faire en sorte qu’ils aient à répondre, eux aussi, davantage des actes de leurs enfants» a déclaré le premier ministre français Gabriel Attal lors d’un déplacement à Viry-Chatillon, sur les lieux du meurtre de Shemseddine, pour ses 100 jours passés à la tête du gouvernement. Il avait alors dénoncé le «glissement d’une partie de la jeunesse dans un déchaînement de violence» et promis de «restaurer l’autorité à tous les niveaux: dans la famille, à l’école, dans les rues». Exactement ce qu’avait affirmé en juillet 2023, lors des émeutes, Emmanuel Macron. «Notre pays a besoin d’un retour de l’autorité à tous les niveaux et d’abord dans la famille» avait-il déclaré. Le couvre-feu décrété par les maires est donc une forme de réponse. Les parents dont les enfants ne les respectent pas pourront se voir infliger une amende allant jusqu’à 750 euros.