Amis de la voiture et de l’industrie automobile, préparez vos tickets de métro, votre vélo ou vos chaussures de marche! Et encore, puisque les grèves de ce mardi ont sérieusement ralenti les transports en commun parisiens. Pas question, en tout cas, de faire ronfler votre moteur pour bien montrer que votre carburateur et vos pistons fonctionnent. Le blocage par les syndicats des raffineries et de dépôts de pétrole a produit ses effets. L’essence est rationnée.
Résultat, en attente du déblocage que le gouvernement espère voir se concrétiser ce mercredi 19 octobre ? La moindre station-service parisienne offre le spectacle d’une file d’attente d’au moins une heure. A chaque conducteur le choix du casse-tête: soit repérer sur internet les stations encore approvisionnées et y faire le pied de grue durant un bon moment dans votre voiture, à l’arrêt sur le bitume. Soit abandonner votre belle cylindrée dans son garage ou sur son parking, et vous diriger à pied vers ce qui aurait dû être une grande fête des carrosseries clinquantes et autres trouvailles mécaniques: le Mondial de l’automobile qui se tient à Paris, du 17 au 23 octobre.
Macron en premier visiteur
Vous ne me croyez pas? Alors prenez une carte en main ou zoomez dans votre GPS sur l’écran de votre téléphone portable. Test grandeur nature lundi soir, jour de l’inauguration de ce salon très attendu par Emmanuel Macron lui-même. Départ en scooter du parc des expositions de la Porte de Versailles, pour espérer trouver en fin de journée une station alimentée en carburant. Résultat, au bout d’une heure de trajet sur deux roues: rien que des stations fermées ou entourées d’une file de plusieurs dizaines de véhicules. Colère des Parisiens à la clef. Automobilistes proches de la crise de nerfs. Pompistes excédés. Pendant que les policiers sont envoyés pour réquisitionner les dépôts de carburant, la France de l’automobile est HS. Restent les heureux propriétaires de véhicules électriques, transformés en survivants mécaniques dans les rues de Paris.
Oubliés, l’enjeu industriel et la réputation de Paris
La contradiction pourrait faire sourire. D’un côté, un salon mondial de l’automobile visité dès son ouverture par le président de la République, puis ce mardi par le ministre des Finances. Et de l’autre, une guerre ouverte déclarée par les grévistes (sans doute eux-mêmes venus en voiture sur leurs lieux de travail ou de piquet) à tout ce qui circule sur les routes de France. Oubliés, l’enjeu industriel et les constructeurs français aux prises avec les révolutions industrielles en cours: Peugeot, Renault, Citroën… Oubliée, la réputation de Paris, ville-lumière prisée des grandes expositions. L’heure est à la pénurie de carburant et aux réquisitions pour débloquer les citernes remplies d’essence à distribuer.
Le Mondial de l’automobile devrait, en théorie, célébrer la mobilité sous toutes ses formes. Le voici transformé en une sorte de vitrine d’une ironie. La France célèbre les automobiles qui ne circulent pas. De quoi décourager les amateurs de bolides et autres véhicules d’ordinaire associés au plaisir de la conduite.
En théorie, l’essence devrait revenir dans les stations-service d’ici le 23 octobre, date de la fin de ce Mondial de l'automobile. La Première ministre, Elisabeth Borne, l’a de nouveau affirmé dimanche 16 octobre à la télévision, en insistant sur le fait que la première des entreprises visées par ce conflit social, le géant pétrolier TotalEnergies, a finalement signé de nouveau accords salariaux, ouvrant la voie au déblocage. Soit. Total, assis sur ses 16 milliards de dollars de profits réalisés en 2021, est en partie coupable. La firme, qui s’est empressée d’augmenter son PDG et ses actionnaires, espérait à tort voir ses salariés (bien payés) accepter de ne pas monter à bord de ce train à bonus, engendré par l’explosion des prix de l’énergie liés à la guerre en Ukraine.
Paris cloue ses piétons au sol
Reste un parallèle stupéfiant: un Mondial de l’automobile dans un pays dépourvu d’essence. Une fête de la voiture dans une capitale qui cloue ses piétons au sol. Paris, hier ville phare de l’innovation industrielle, est devenue une cité du tertiaire, du vélo électrique et des loisirs, en forme de musée à ciel ouvert pour touristes étrangers.
Il subsiste, place de la Concorde, l’Automobile Club de France pour fêter les temps révolus. Mais ne rêvez pas, je l’ai testé pour vous lundi 17 octobre: dans ce quartier des Champs-Elysées, et dans le centre de Paris en général, il n’y avait, en ce début de semaine, plus une goutte d’essence!