Nestlé Waters doit envisager la fin de la production d'eau minérale naturelle Perrier, dans le sud de la France, en raison de risques sanitaires, selon un rapport confidentiel dévoilé lundi par le journal français Le Monde et Radio France. «La plus célèbre des marques d'eau gazeuse est sous la menace de perdre son label d'eau minérale naturelle qui fait sa réputation depuis plus d'un siècle», écrit le quotidien hexagonal Le Monde, selon lequel «un rapport confidentiel de l'agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie ne laisse guère de place à une autre issue». «Le coup pourrait être fatal pour Perrier», appuie le média.
Après une inspection menée fin mai sur l'unique site de conditionnement de Perrier dans le Gard, l'agence étatique estime que Nestlé Waters, propriétaire de la marque, doit sérieusement envisager «un arrêt de la production d'eau minérale sur le site de Vergèze» en raison de la qualité sanitaire régulièrement dégradée de ses captages et, en particulier, d'un risque d'ordre virologique.
L'ARS «invite» ainsi la filiale du géant veveysan à «s'interroger stratégiquement sur un autre usage alimentaire possible de l'exploitation des captages d'eau minérale actuels», à condition d'apporter des «garanties de sécurité sanitaire complémentaires». Sollicité par Le Monde et Radio France, Nestlé Waters indique ne «pas pouvoir faire de commentaires», n'ayant «pas connaissance du rapport final».
L'avenir de la marque et de son site de production à Vergèze, qui emploie un millier de salariés, est désormais suspendu à l'arbitrage de la préfecture du Gard, qui doit se prononcer sur la demande de renouvellement d'autorisation d'exploitation de la «source Perrier» déposée en octobre 2023 par Nestlé. Contactée, la préfecture indique que la décision pourrait être rendue lors du «premier semestre 2025» après réception de «l'avis des hydrogéologues agréés en matière d'hygiène publique», complémentaire au rapport de l'ARS.
Contamination par des bactéries fécales
En avril, le préfet du Gard a déjà suspendu l'exploitation d'un des sept captages après un épisode de contamination par des bactéries d'origine fécale. Nestlé annonçait ensuite avoir détruit quelque 3 millions de bouteilles «par précaution». «Présentée alors par Nestlé et la préfecture comme un événement ponctuel lié à des pluies intenses, cette situation est en réalité la conséquence d'une dégradation générale de la qualité des nappes d'eau souterraines exploitées par Nestlé à Vergèze», écrit Le Monde.
En janvier dernier, les deux médias ont révélé que Nestlé Waters a eu recours pendant plusieurs années à des traitements interdits - microfiltration, filtres UV et charbons actifs - pour faire face à ces contaminations, bactériennes ou chimiques, sur certains de ses puits, à Vergèze mais aussi sur son site des Vosges, où sont puisées les eaux d'Hépar, de Contrex et de Vittel. L'État avait connaissance de certaines de ces pratiques depuis au moins 2020. Nestlé a reconnu avoir recours à des traitements interdits, également pour Henniez en Suisse. Afin de faire la lumière sur ce dossier, le Sénat a lancé une commission d'enquête sur «les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités».
Selon le rapport d'inspection de l'ARS, le risque de fraude perdure: «rien n'empêche le traitement de l'eau minérale naturelle par des procédés non autorisés utilisés pour d'autres types d'eaux.» Sa mission d'inspection évoque un «risque virologique» (adénovirus, norovirus, hépatite A) pour les consommateurs. «Les microfiltres n'ont pas d'effet de rétention sur les virus», notent les inspecteurs, qui précisent que «l'exploitant n'a jamais mis en évidence la présence de ces virus dans l'eau».