L'homme a été arrété
Le tueur de la rue d'Enghien, obsédé par les migrants

Aprés la stupeur, les premières confirmations: la fusillade de Paris, à la mi-journée ce vendredi, est le fait d'un ancien cheminot de 69 ans. L'homme avait plusieurs fois été interpellé puis emprisonné pour des agressions, notamment contre des migrants.
Publié: 23.12.2022 à 18:36 heures
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Dernière mise à jour: 24.12.2022 à 00:42 heures
Le ministre français de l'intérieur Gérard Darmanin s'est rendu vendredi après-midi sur les lieux de la fusillade, rue d'Enghien à Paris. Après l'arrestation du tueur présumé de trois personnes, des échauffourées ont éclaté dans ce quartier où la communauté kurde est très présente.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Une menace peut en cacher une autre. Dans Paris obsédée depuis le 13 novembre 2015 par la possibilité d’un nouvel attentat islamiste, c’est une attaque d’une tout autre origine qui a fait trois morts et plusieurs blessés vendredi 23 décembre rue d'Enghien, dans le 10e arrondissement. Selon les informations divulguées par la procureure de la capitale, Laure Beccuau, et par le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin, l’auteur présumé de la fusillade est un retraité français de la SNCF de 69 ans, déjà responsable d’agressions racistes.

Cet ancien cheminot venait d’être libéré, après plusieurs mois de détention. Il était sous contrôle judiciaire, connu des services de police mais pas fiché par les services de renseignement comme membre actif des réseaux d’ultra-droite qui, ces temps-ci, réapparaissent dans le radar policier en France. Il avait notamment été condamné par le tribunal correctionnel de Bobigny le 29 juin 2017 à une peine de six mois d’emprisonnement assorti d’un sursis simple total et à une interdiction de détenir ou porter une arme pendant cinq ans. Puis il avait écopé d'une nouvelle condamnation le 30 juin 2022 par le même tribunal correctionnel à une peine de douze mois d’emprisonnement pour des faits de violences avec arme commis en 2016.

Forte communauté kurde du quartier

La cible exacte de ce forcené, interpellé après la fusillade par la police alors qu’il était en possession de plusieurs armes, n’est pas confirmée. A l’évidence, l’agresseur avait choisi la rue d’Enghien, dans un quartier peu touristique de Paris, en contrebas de la gare de l’Est, parce qu’une forte communauté d’origine étrangère y vit et travaille. C’est dans un centre culturel kurde que les premiers tirs ont eu lieu, sans que l’on sache pour le moment si l’ancien cheminot avait contre cette communauté des griefs particuliers. Ses trois victimes décédées fréquentaient régulièrement le centre culturel kurde de la rue d'Enghien. Le meurtrier présumé a ensuite été ceinturé par des passants dans un salon de coiffure où il venait de blesser des clients, avant d'être menotté par la police.

Les Kurdes sont à la fois très actifs dans les réseaux de passage des migrants vers la France et le Royaume-Uni, très visibles dans l’opposition armée à l’Etat islamique au Moyen-Orient, et en opposition politique violente au gouvernement turc de Recep Tayyip Erdogan. Laquelle de ces trois raisons a motivé le tireur? Celui-ci, arrêté en 2021 pour avoir attaqué un camp de migrants au sabre, cherchait-t-il d’abord à s’en prendre aux réseaux migratoires. Ou est-il le maillon d'une opération menée par la Turquie comme l'affirment déjà certains responsables kurdes ? Aucune revendication n’a pour l’heure été émise. La Turquie, en lutte ouverte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) n’a pour l’heure pas commenté la fusillade et au moins l'un des morts était de nationalité turque. Des échauffourées se sont poursuivies toute l'après-midi entre la communauté kurde et les forces de l'ordre. Cinq policiers ont été blessés. Une manifestation est prévue ce samedi à Paris.

L’identité de l'employé sexagénaire des chemins de fer présumé responsable de la fusillade demeure incomplète. Il vivait à Paris, chez ses parents, dont l'appartement a été perquisitionné. Le fil rouge de ces actions semble être la détestation des migrants et sa volonté, évoquée dans le passé devant des témoins retrouvés par les médias, de démanteler les filières «qui submergent la France». Le rôle des passeurs kurdes, bien connu des forces de police, est souvent passé sous silence, car cette communauté très solidaire est victime de discriminations en Turquie et a joué un rôle clef dans la guerre contre Daech. Il est pourtant réel.

Emmanuel Macron apporte son soutien à la communauté kurde

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En octobre, six membres d’un réseau irako-kurde de passeurs de migrants vers la Grande-Bretagne ont été arrêtés. Leur gain a été estimé à plus de 1,6 million d’euros. Ils fournissaient bateaux pneumatiques de fortune et gilets de sauvetage dérisoires, compte tenu des risques pris pour traverser la Manche. Toujours selon les médias français, ces filières ont souvent pignon sur rue à Paris, dans des commerces tenus par des Kurdes, à qui les parents des migrants savent s’adresser. Une traversée vers l’Angleterre, au départ des cotes du nord de la France, coûte environ 1500 euros.

Plusieurs dizaines de personnes interpellées le 14 décembre

L’autre réalité révélée par cette fusillade, à la veille de Noël, est celle du réveil de la mouvance d’ultra-droite en France et dans d'autres pays où elle révèle de sérieux problèmes sécuritaires. Le 14 décembre, plusieurs dizaines de personnes ont été interpellées alors qu’elles espéraient se fondre dans la foule des supporters du Maroc pour semer le chaos. Le Maroc ayant perdu en demi-finale, cette affaire n’a pas pris trop d’ampleur. Quelques jours plus tôt, une rafle importante dans ces milieux identitaires et anti-migrants avait eu lieu en Allemagne, où 25 personnes appartenant à la mouvance «citoyens du Reich» ont été interpellées. Ils projetaient de s’en prendre au Parlement et de mener une tentative de coup d’Etat.

La fusillade de Paris est une tragique avertissement. La question maintenant est de savoir si le tueur était isolé et quels groupes extrémistes il a pu fréquenter avant de passer à l'acte et de commettre cette tuerie.

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