En politique, la roulette russe ressemble un peu à ce qui se passe en ce moment en France. D’un côté, un président bien décidé à ne pas laisser les oppositions enterrer son second mandat entamé en avril, après sa nette réélection avec 58,5% des voix. De l’autre, un revolver chargé de réformes, d’où un coup mortel peut sortir à chaque fois qu’il presse sur la détente.
Emmanuel Macron le sait: la rentrée de l’Assemblée nationale, ce lundi 3 octobre, donnera le ton politique de son quinquennat. Le premier test sera celui du projet de loi de finances pour 2023. Et l’issue sera simple: s’il doit passer en force pour faire adopter ce budget sans recourir au vote (la Constitution française le permet, avec son article 49.3), le chef de l’État Français se retrouvera d’emblée le dos au mur. D'où son intervention pour proposer une «nouvelle méthode»..
Une perte d’autorité problématique
Cette roulette russe, Emmanuel Macron en effet de bonnes raisons pour la redouter. Car s’il se retrouve ligoté en raison de l’absence de majorité parlementaire, et confronté à un nouveau cycle de protestations sociales massives comme ce fut le cas durant l’hiver 2018-2019 avec la crise des «gilets jaunes», le jeune président de 44 ans (il aura 45 ans le 21 décembre prochain) perdra obligatoirement de son autorité.
Emmanuel Macron et sa promesse d'une «nouvelle méthode»
La raison? La constitution ne lui permet pas de se représenter en 2027. Il suffira donc alors à ses opposants d’attendre que ce quinquennat s’épuise pour espérer en récolter les fruits électoraux. La cheffe du camp national populiste Marine Le Pen, dopée (malgré des divergences) par la récente victoire législative de Giorgia Meloni en Italie, se voit déjà candidate à l’Elysée pour une quatrième fois consécutive. Bref, un Macron paralysé serait, de fait, condamné à faire de la figuration pendant les quatre prochaines années. Terrible destin politique pour celui qui, en 2017, promettait de «transformer la France».
Arrêter le jeu de massacre
La seule question qui vaille, en cette rentrée politique française, est donc de savoir comment le locataire de l’Elysée peut arrêter ce jeu de massacre. Ou bien, au moins, différer son issue fatale. Trois scénarios sont sur la table.
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Le premier scénario, très improbable au regard des postures des principales formations politiques d’opposition, est celui des «coalitions d’intérêts» à l’Assemblée nationale. Laquelle, en France, a le dernier mot législatif. C’est pour cela qu’Emmanuel Macron pousse le plus possible en avant son allié centriste François Bayrou, issu de la droite, auquel il a de nouveau rendu visite dans sa ville de Pau (Pyrénées-Atlantiques) vendredi 30 septembre.
Convaincre les «Républicains»
A 71 ans, Bayrou est perçu par le chef de l’État comme un entremetteur capable de convaincre une partie des députés du parti conservateur «Les Républicains», et une partie des députés de gauche modérés fâchés avec le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, de voter le budget, puis quelques réformes centrales comme celle des retraites. Bayrou a d’ailleurs obtenu gain de cause sur les retraites, puisque Macron a renoncé à passer en force, et promis une nouvelle phase de concertation.
Bayrou va aussi diriger les travaux du Conseil national de la Refondation, que l’Elysée voit comme un instrument de réforme, avec l’apport de citoyens tirés au sort et l’appui du syndicat réformiste CFDT. Problème: les modérés susceptibles de rajouter leurs voix aux 245 députés pro-Macron (il en faut 277 pour atteindre la majorité absolue) doivent obtenir des contreparties. Lesquelles? La question est ouverte.
Le scénario de la dissolution
Le second scénario, nourri par l’impatience présidentielle, est celui de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le président peut, au terme de l'article 12 de la constitution, renvoyer les députés devant leurs électeurs. Les médias français affirment qu’il y réfléchit. Mais gare: une défaite à la sortie des urnes le placerait dans une position très inconfortable, voire impossible, si la coalition présidentielle «Ensemble» n’obtient pas la majorité.
La probabilité d’une dissolution sera d’autant plus grande, affirment les experts, si la situation sociale se détériore et que le pays est politiquement bloqué, sur fond de tensions géopolitiques durables alimentées par la guerre en Ukraine. L’argument présidentiel sera simple: la France a besoin d’être gouvernée. Les extrêmes menacent. L’Union européenne ne tiendra pas le choc d’une éventuelle victoire de l’extrême-droite française. La roulette russe n’aura jamais été aussi risquée.
Un référendum sur l’avenir du pays
Le troisième scénario est celui d’un référendum solennel sur l’avenir du pays, à l’issue des travaux du Conseil national de la refondation. Là, Emmanuel Macron retournerait devant les Français, si possible avant les élections européennes de mai 2024, pour leur demander de soutenir ses réformes.
Il pourrait aussi, comme certains constitutionnalistes le suggèrent, propose de revenir au mandat présidentiel de sept ans, plutôt que les cinq ans actuels qui coïncident avec la durée de la législature. La démarche serait moins politicienne qu’une dissolution. Elle lui permettrait de parler de l’avenir du pays. Il pourrait lier son sort au résultat, promettant de démissionner en cas de défaite. Même s’il perdait, Macron aurait ainsi mérité sa réputation de «disrupteur».
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Compromis, dissolution ou référendum: les scénarios pour éviter une paralysie française se jouent maintenant. Le barillet du revolver politique tourne. Une chose est sûre: une seconde chance ne sera pas offerte au locataire de l’Élysée. Et il le sait.