La coalition de gauche en France s'est dite prête vendredi à «aller construire (des) coalitions» pour former un gouvernement, lors du premier rendez-vous du président Emmanuel Macron avec les principales forces politiques du pays. Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire (NFP) pour Matignon, et ses partenaires (gauche radicale, socialistes, écologistes et communistes), sortis des législatives anticipées avec le plus grand nombre de députés (193 pour une majorité à 289), ont été reçus en début de matinée à l'Elysée.
Le chef de l'Etat est «lucide» sur le «souhait d'un changement d'orientation politique», a salué Mme Castets, une haute-fonctionnaire de 37 ans inconnue du grand public il y a encore quelques semaines. «Assez perdu de temps», a-t-elle pour autant martelé, soulignant «l'importance de respecter le résultat des élections et de sortir le pays de la paralysie dans laquelle il est plongé» et jugeant ses alliés «prêts» à «chercher des compromis en l'absence de majorité absolue».»La tentation semble encore présente pour le président de composer son gouvernement», a-t-elle regretté.
Démissionnaire, le gouvernement sortant de Gabriel Attal gère les affaires courantes du pays depuis maintenant 38 jours, un record depuis l'après-guerre, alors qu'approchent de cruciales échéances budgétaires.
Une «tendance à vouloir être le sélectionneur»
Et les forces politiques du pays pressent le président de désigner enfin un Premier ministre issu du dernier scrutin. Emmanuel Macron devait déjeuner vendredi avec les responsables de son camp, qui compte 166 députés, puis ceux de la droite républicaine, avant d'enchaîner en fin de journée avec deux formations plus minoritaires. De nouveaux entretiens sont prévus lundi avec l'extrême droite du Rassemblement national (RN) et ses alliés (142 députés), les seuls à exclure une coalition et à préparer les prochaines échéances, notamment la présidentielle de 2027.
Le président «nous a rappelé à la fois qu'il devait être l'arbitre dans son rôle constitutionnel, mais on a un peu l'impression qu'il avait tendance à vouloir être le sélectionneur», s'est inquiété le coordinateur de La France insoumise (LFI, gauche radicale) Manuel Bompard. C'est «un signal favorable» que le chef de l'Etat «ait admis qu'il allait falloir changer de cap», a tempéré pour sa part la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, assurant que le NFP était un «bloc solide et solidaire».
Jeudi, l'Elysée avait évoqué des consultations pour «savoir dans quelles conditions» les forces politiques pouvaient définir une «majorité large», insistant sur «la capacité pour un gouvernement à ne pas tomber à la première motion de censure déposée». «Procrastinateur», «comportement d'autocrate», «Gaulois réfractaire». Les attaques contre le chef de l'Etat, qui a décidé seul de convoquer des législatives anticipées, ont repris de plus belle dès la trêve olympique terminée. Jusqu'à hier soir, il excluait de nommer Lucie Castets. Et le camp présidentiel, la droite et l'extrême droite menaçaient d'une motion de censure tout gouvernement comprenant des ministres issus de la gauche radicale.
Le ton a-t-il changé?
Emmanuel Macron a «reconnu que l'ensemble des forces» politiques qui ont «participé au front républicain» contre l'extrême droite aux législatives «étaient parfaitement légitimes à gouverner», a assuré le Parti communiste, référence aux désistements entre NFP et macronistes au second tour du scrutin qui avaient privé le RN d'une victoire promise. Depuis, face à cette assemblée divisée entre trois camps irréconciliables et dont aucun ne pourra gouverner seul, le président a semblé vouloir composer un gouvernement au centre qui permettrait à ses troupes de rester aux responsabilités.
Des noms d'anciens ministres ont même circulé, de la droite républicaine modérée jusqu'au centre-gauche. Ces joutes politiques, entamées avant les JO, ont repris de plus belle alors que la France doit accoucher, au 1er octobre, d'un budget pour 2025. Reste à décider avec quel projet. La gauche promet une politique de rupture, avec notamment l'augmentation du salaire minimum et l'abrogation de la très impopulaire réforme des retraites.
Mais Gabriel Attal, resté en poste depuis six semaines pour expédier les affaires courantes, a déjà envoyé les lettres plafonds octroyant leurs crédits aux ministères. «Pur scandale», «coup de force», a vociféré le NFP.