Trois anciens hauts cadres du géant français des jeux vidéo Ubisoft sont jugés cette semaine par le tribunal correctionnel de Bobigny, en région parisienne, accusés de harcèlement moral et sexuel systémique envers leurs employés pendant près d'une décennie.
A la suite d'une vague de témoignages anonymes sur le réseau Twitter (aujourd'hui X), le scandale a éclaté au grand jour grâce à des enquêtes publiées dans les médias Libération et Numérama en juillet 2020. Dans la foulée, Serge Hascoët, directeur créatif et numéro 2 du groupe, démissionne. Thomas François et Guillaume Patrux sont eux licenciés pour faute grave.
Il diffusait des films pornos dans l'open-space
Thomas dit «Tommy» François concentre contre lui le plus de témoignages accablants qui révèlent une attitude inappropriée au sein des locaux du géant français de la tech, situés à Montreuil, localité limitrophe de Paris.
Agé de 38 à 46 ans sur la période de prévention retenue par la justice, celui qui est alors vice-président du service éditorial d'Ubisoft aurait eu pour habitude de diffuser des films pornographiques dans l'open-space et de commenter publiquement le physique des employées qu'il insultait de façon régulière. Humiliations publiques et actes analogues à du bizutage comme quotidien: l'homme pouvait autant s'amuser à ligoter une employée à une chaise qu'à lui barbouiller le visage de feutre.
Outre ces accusations de harcèlement sexuel et moral, il est poursuivi pour tentative d'agression sexuelle ayant voulu, lors d'une fête de Noël, embrasser de force une jeune employée, maintenue par d'autres collègues. Car Tommy François incitait «ses subordonnés à agir de même, usant notamment à cette fin de son aura et de sa position hiérarchique élevée au sein de la société», selon un rapport d'enquête consulté par l'AFP.
Commentaires et actes racistes
Accusé de comportements libidineux et de questions intrusives de nature sexuelle, Serge Hascouët est par ailleurs accusé de commentaires et actes racistes. Après les attentats de 2015, il aurait demandé à une employée de confession musulmane si elle adhérait aux idées du groupe Etat islamique. Cette assistante de direction pouvait retrouver des images de sandwich au bacon en fond d'écran de son ordinateur, de la nourriture déposée sur son bureau pendant le mois du ramadan.
Troisième prévenu dans ce procès, l'ancien «game director» Guillaume Patrux, 39 ans, est lui renvoyé pour harcèlement moral. Des dizaines de témoins ont été entendus lors de l'enquête mais «un grand nombre renonçait à déposer plainte par crainte des réactions du milieu du jeu vidéo», selon le rapport dont l'AFP a eu connaissance.