Cyclone et grand remplacement
La France peut-elle reconstruire Mayotte, l'île submergée de clandestins?

L'île de l'Océan Indien est dans un état de désolation presque absolu après le passage du cyclone Chido. Mais comment reconstruire un territoire submergé de clandestins venus des Comores?
Publié: 16.12.2024 à 20:29 heures
1/5
De très nombreuses routes insulaires sont barrées par des arbres tombés durant le cyclone Chido.
Photo: keystone-sda.ch
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Employer cette expression sur le territoire de l’île de Mayotte lui a valu de très nombreux reproches. En juin 2017, sitôt après avoir été élu président de la République, Emmanuel Macron doit présenter ses excuses à son homologue des Comores, l’archipel qui entoure le 101e département français.

Motif? Sa sortie très peu diplomatique sur les «Kwassas Kwassas», les embarcations de fortune qui relient entre elles ces îles séparées depuis le référendum d’autodétermination de juillet 1974. «Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent», avait asséné le nouveau Chef de l’État Français. Une manière de dénoncer publiquement l’arrivée massive à Mayotte de clandestins venus des Comores…

Où sont aujourd’hui les «kwassas kwassas» après le passage dévastateur du cyclone Chido samedi 14 décembre? Beaucoup de ces bateaux de fortune ont été détruits par les vagues qui ont submergé le port et jeté contre la rive les ferries qui relient habituellement les îles. Priorité humanitaire, Mayotte est désormais au centre de l’attention du gouvernement français pour une autre raison que la présence massive de clandestins sur son territoire.

Grand remplacement, la polémique

50% des 320'000 habitants de cette île de l’Océan Indien, face à la côte du Mozambique, sont d’origine étrangère. A propos de Mayotte, les partis de droite, mais aussi les élus locaux parlent de menaces de «grand remplacement». Ils désignent en général les Comoriens, et notamment les femmes venues des îles de la Grande Comore, d’Anjouan et de Moheli, pour accoucher à Mayotte et y bénéficier du droit du sol.

C’est pour cela qu’il a été proposé de le révoquer. Pour l’heure, cette disposition n’a pas encore été adoptée, et la révision constitutionnelle envisagée n’a pas eu lieu. Elle devrait revenir sur la table avec le futur projet de loi sur l’immigration défendu par le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, arrivé à Mayotte lundi 16 décembre avec les premiers secours.

Pas qu’un défi humanitaire

Le défi posé à la France est toutefois bien plus complexe que les dégâts causés par le cyclone Chido – dont le bilan humain reste à établir – laisse entrevoir. Faut-il reconstruire des abris et des logements pour la population, largement composée de clandestins, des bidonvilles détruits autrefois accrochés aux collines? Faut-il réhabiliter des structures médicales déjà submergées par la pression migratoire?

Comment «trier» les populations en détresse, sans accès à l’eau et à l’électricité, pour venir en aide à tous, mais en prenant en compte les besoins spécifiques des Français de l’île? Mayotte est un chantier pas comme les autres. La reconstruction s’y double d’un enjeu humain, sociétal et légal de grande ampleur.

Comptabiliser les survivants

Comment, aussi retrouver les survivants et les comptabiliser alors que beaucoup, faute de papiers en règle, passaient avant le cyclone leur temps à déjouer les autorités et les gendarmes déployés sur place? La couverture de la catastrophe par la chaîne CNews, connue pour ses positions très à droite, ne laisse guère de doute.

Les efforts humanitaires déployés pour Mayotte ne vont pas tarder à alimenter la polémique: «Cette île était dans une situation de très grande vulnérabilité du fait d’une immigration massive», a accusé en direct, lundi 18 décembre, le général Bertrand Cavallier, spécialiste du maintien de l’ordre. «Toutes les politiques publiques sont au ras des pâquerettes, en particulier sur la question du logement. Il n'y a aucune politique de logement social à Mayotte.»

Et d’ajouter: «Mayotte est submergée par une immigration en provenance des Comores, plus de la moitié des habitants sont des occupants illégaux.» Ce que le Secours populaire a aussitôt dénoncé: «La population a été frappée de plein fouet par la violence des vents qui ont soufflé à plus de 220 km/heure et des dégâts immenses sont à déplorer, en particulier pour sa frange la plus vulnérable, vivant dans les habitats précaires et informels des bidonvilles.»

Il poursuit: «L’archipel, pourtant frappé par de terribles tempêtes en 1934 et 1984, vit la pire catastrophe de son histoire. Au moins 100'000 personnes (un tiers de la population) se trouvent aujourd’hui sans toit ni eau à Mayotte, le plus pauvre des départements français, coupé du monde en raison de réseaux électrique et téléphonique terrassés. L’heure n’est pas au comptage des migrants.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la