Haro sur TikTok et les «applications récréatives»: la France a interdit vendredi le téléchargement et l'utilisation du réseau social chinois sur les téléphones professionnels des 2,5 millions de fonctionnaires. Elle emboîte ainsi le pas à de nombreux pays occidentaux.
Ces applications présentent des «risques en matière de cybersécurité et de protection des données des agents publics et de l'administration», a conclu l'entourage du ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini à l'issue d'une analyse menée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et la Direction interministérielle du numérique (Dinum).
Le nombre précis de téléphones professionnels concernés par l'interdiction n'était pas disponible dans l'immédiat.
D'autres applications sont aussi bannies
Parmi les applications désormais bannies figure «le triptyque applications de jeux comme Candy Crush, de streaming comme Netflix et récréatives comme TikTok», explique l'entourage de Stanislas Guerini.
Twitter, dont la politique de modération des contenus fait débat depuis son rachat par Elon Musk, est également mis à l'index, précise-t-il. Pour autant, le gouvernement n'a pour l'heure pas dressé de liste précise des applications interdites, qui s'appliquerait à tous les ministères.
Par principe, c'est donc l'ensemble des applications pouvant être considérées comme récréatives qui seront bannies. Seules quelques dérogations individuelles pourront être accordées pour des besoins de communication institutionnelle par exemple, selon le ministère.
L'interdiction, notifiée aux différents ministères par le biais d'une instruction «contraignante» selon le gouvernement, entre immédiatement en vigueur, et ne concerne pas les téléphones personnels des fonctionnaires d'Etat.
Pas de régime de sanctions global
En cas de violation de cette nouvelle règle, aucun système unifié de sanctions n'est prévu à ce stade, d'éventuelles mesures étant laissées à la discrétion de chaque ministère.
La Maison Blanche, la Commission européenne, les gouvernements canadien et britannique ont récemment interdit à leurs fonctionnaires d'utiliser TikTok sur leurs téléphones professionnels.
Jeudi, le patron de l'application Shou Zi Chew a été étrillé pendant plusieurs heures par les membres du Congrès américain, Washington envisageant une interdiction totale de TikTok dans le pays.
Au centre des craintes se trouve une loi chinoise de 2017 qui impose aux entreprises locales de remettre sur demande des autorités des données personnelles qui relèveraient de la sécurité nationale.
Le gouvernement chinois «n'a jamais demandé ni ne demandera à quelconque entreprise ou individu de collecter ou de (lui) remettre des données provenant de l'étranger, d'une façon qui violerait les lois locales», a assuré vendredi une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning.
Le Nord moins sévère
TikTok compte plus d'un milliard d'utilisateurs actifs dans le monde, dont 125 millions dans l'Union européenne.
L'interdiction dégainée vendredi par Paris a un spectre plus large que celles décidées dans d'autres pays occidentaux car elle vise l'ensemble des applications récréatives plutôt que le seul réseau TikTok. «Ces applications n'ont pas été conçues pour être déployées sur des réseaux professionnels», se justifie le ministère de la Fonction publique.
Les mesures annoncées ces derniers jours par les Pays-Bas ou la Norvège sont moins contraignantes: les deux pays ont simplement déconseillé à leurs fonctionnaires l'usage de TikTok.
Le périmètre des mesures restrictives varie fortement d'un Etat à l'autre, plusieurs ayant choisi d'interdire l'application au personnel politique (députés, ministres) plutôt qu'aux fonctionnaires.
En dehors des préoccupations concernant la sécurité des données, TikTok est également critiqué pour l'opacité de son algorithme et régulièrement accusé d'héberger des vidéos de désinformation, de défis dangereux et des images à connotation sexuelle.
Vers une interdiction pour les enfants?
«Demain, il conviendra de nous interroger sur l'élargissement de cette interdiction aux enfants», a tweeté vendredi la secrétaire d'Etat à l'Enfance Charlotte Caubel.
«Algorithmes addictifs, incitation à l'automutilation, surexposition aux écrans, contenus inadaptés, risques pour les données personnelles, cyberharcèlement, désinformation... Les risques sont nombreux pour les enfants», a-t-elle énuméré.
L'AFP, parmi plus d'une dizaine d'organisations de vérification des faits, est rémunérée par TikTok dans plusieurs pays d'Asie et d'Océanie, d'Europe, du Moyen-Orient et d'Amérique latine hispanophone pour vérifier des vidéos qui contiennent potentiellement de fausses informations. Elles sont supprimées par TikTok si les équipes de l'AFP démontrent que l'information véhiculée est fausse.
(ATS)