La justice n’est pas une affaire de pardon. C’est une affaire de preuves, d’intime conviction, de reconstitution des faits et de sanction. Monique Olivier, 75 ans, a finalement été condamnée ce mardi 19 décembre à la réclusion criminelle à la perpétuité, avec une peine de sureté de 20 ans. Elle mourra donc très probablement en prison. Elle n’avait pas été jugée au tribunal de Nanterre, depuis le 28 novembre, pour être ou non pardonnée à l’issue de son procès en assises. Mais la question se pose.
Dans la série télévisée à succès que vient de lui consacrer Netflix «Dans la tête de Monique Olivier», la question plane sans cesse au-dessus des images et des témoignages. Cette femme a consacré une grande partie de sa vie à un «ogre»: le tueur en série Michel Fourniret, mort à 79 ans en prison, le 10 mai 2021. Elle a reconnu qu’elle savait. «Je confirme ce que j’ai dit et je regrette tout ce que j’ai fait, a-t-elle déclaré au dernier jour du procès, qui s'est achevé mardi par sa condamnation à la perpétuité requise par le procureur. Je demande pardon aux victimes, aux familles des victimes tout en sachant que c’est impardonnable tout ce que j’ai fait.» Mais ce pardon, peut-on le lui accorder?
Ce procès de Monique Olivier n’était pas le premier. L’ex-épouse de Michel Fourniret, dont elle a divorcé en août 2010, a déjà été condamnée en 2008 à la perpétuité, pour le meurtre de sept jeunes filles commis par le tueur en série. Cette fois, sa complicité dans trois enlèvements et crimes de son ex-mari lui étaient à nouveau reprochés.
Estelle Mouzin, icône du procès
Avec, au centre des débats, le visage poupin d’Estelle Mouzin, la fillette de neuf ans enlevée le 9 janvier 2003, il y a pile vingt ans à Guermantes en Seine-et-Marne. Monique Olivier a, durant les audiences, refusé de clarifier les zones d’ombre. Ses réponses ont été scandées de «Je ne sais pas», «je ne sais plus», «si je le savais je vous le dirais, mais vraiment je ne sais pas», «c’est embrouillé»…
L’accusée a juré ne pas savoir où sont les corps de deux des victimes, Marie-Angèle Domèce et la petite Estelle Mouzin. Elle n’a pas éclairé le tribunal sur les conditions de l’enlèvement et les atrocités commises par Michel Fourniret avec la jeune Joanna Parrish, dont le corps a, lui, été retrouvé. «Pardonner? Jamais je n’emploierai ce verbe» a réagi, au micro de France Info, le père d’Estelle Mouzin, présent tout au long des débats.
Une affaire de conviction
Le pardon est une affaire de conviction. Il se base sur l’idée qu’une personne, coupable du pire, peut avoir tourné la page et vouloir sortir de l’abîme dans laquelle son tempérament, ou un mentor diabolique comme l’était Fourniret, peuvent l’avoir fait tomber. La série de Netflix, très documentée, ne parvient pas à trancher.
Une partie des interlocuteurs estiment que Monique Olivier était, dans les années 90 – après sa rencontre avec son ex-mari en 1987 par la voie d’une petite annonce du magazine catholique Le Pèlerin – la caricature d’une femme soumise. Absente. Sans caractère. Sous influence.
Ce que d’autres, notamment les policiers, démentent avec véhémence. Pour eux, Monique Olivier est une dissimulatrice. Elle a bel et bien assisté «l’ogre des Ardennes» dans ses crimes. Et quels crimes! Dix meurtres de jeunes femmes, toutes choisies pour assouvir ses pulsions sexuelles. Dix «membranes» pour cet obsédé sexuel attiré par la virginité de ses victimes. Alors, comment pardonner?
La face sombre de notre humanité
Monique Olivier est la face sombre de notre humanité. Tout au long du procès, elle a répondu comme si ce qui s’était passé ne dépendait pas d’elle. Ses avocats ont plaidé avec des faits. Sans ses aveux en 2018, obtenus par une juge d’instruction qui a su instaurer la confiance, jamais cet ultime procès n’aurait pu avoir eu lieu. Ils ont demandé aux jurés de «laisser de la place à la défense», et de distinguer entre cette femme complice et l’auteur des crimes. Ils ont argumenté sur la nécessité de distinguer les peines, même si le Code pénal français ne fait pas cette distinction.
La tête droite, dans un pull dont elle tirait régulièrement les manches, Monique Olivier a écouté. Elle ne s’est pas effondrée. Elle avait, quelques jours plus tôt, écouté le témoignage de leur fils Sélim, 34 ans (accusé lui aussi de violences sexuelles en 2023) venu dire que lors de sa séparation avec Michel Fourniret en 2004, sa mère avait retrouvé une vie normale, qu’elle n’aurait jamais été seule coupable de telles abominations. Là aussi, les images du documentaire de Netflix sont très parlantes. Monique Olivier se fige dans le silence. Puis, elle s’ouvre par intervalles, parle et se referme.
La proie d’autres personnes
L’accusée du tribunal de Nanterre a été, tout au long de sa vie, la proie d’autres personnes auxquelles elle a tenté d’échapper. Il y a eu, évidemment, Michel Fourniret. L’ogre. Le tueur. Le manipulateur. L’homme tellement capable de dissimulation qu’il a même convaincu la femme d’un de ses ex-codétenus de lui indiquer la cache du magot amassé par le «gang des Postiches», avant de l’assassiner. Mais d’autres lui ont volé sa vie. Les policiers. Les magistrats. Tous ceux qui l’ont forcé à s’exprimer.
Toujours seule
Dans les Ardennes, où elle résidait avec Fourniret au château du Sautou – situé à Donchery – acquis en 1988, Monique Olivier ne fréquentait personne. Elle était seule. C’est cette année-là que disparaît Marie-Angèle Domèce, alors qu’elle marchait sur une route à Auxerre. Pour mettre en confiance la victime, Monique Olivier, alors enceinte de sept mois de leur fils Selim, se montre dans la voiture. Elle lui aurait fait signe pour la rassurer. La mort annoncée, alors masquée par une prochaine naissance. Au vu de tels faits, la peine de prison à la perpétuité prononçée mardi 19 décembre par le tribunal de Nanterre ne clôturera malheureusement pas l’affreuse et impardonnable saga du crime des époux Fourniret-Olivier.