Après des semaines de tractations, Ursula von der Leyen dévoile mardi à Strasbourg son équipe de commissaires et leurs portefeuilles. En coulisses, les négociations pour les postes ont été douloureuses, jusqu'à la dernière minute. Lundi, c'est l'influent commissaire sortant français Thierry Breton qui a démissionné avec fracas, victime de ses relations exécrables avec Ursula von der Leyen.
Le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, proche d'Emmanuel Macron, prendra la tête d'un portefeuille clé à la stratégie industrielle au sein de la nouvelle Commission européenne, a annoncé mardi la présidente Ursula von der Leyen. Le nouveau commissaire, choisi à la dernière minute au détriment du sortant Thierry Breton, sera chargé du redressement de l'industrie européenne, grande priorité des prochaines années. Il héritera du titre de «vice-président exécutif pour la Prospérité et de la Stratégie industrielle».
Stéphane Séjourné, 39 ans, chef du parti présidentiel Renaissance, est peu réputé pour sa maîtrise des sujets économiques et financiers. Il ne cachait d'ailleurs pas sa volonté de rester au Quai d'Orsay, où il n'aura guère eu l'occasion de s'illustrer depuis sa nomination en janvier. Mais le futur commissaire est un fin connaisseur des institutions bruxelloises. Il a présidé le groupe Renew (centristes et libéraux) au Parlement européen de 2021 à 2024.
«Il guidera le travail visant à mettre en place les conditions permettant à nos entreprises de prospérer, pour l'investissement et l'innovation, ainsi que pour la stabilité économique, le commerce et la sécurité économique», a déclaré Ursula von der Leyen. Stéphane Séjourné sera aussi chargé des PME et du marché unique, a-t-elle précisé.
Des profils différents
L'Espagnole Teresa Ribera, ministre de l'Ecologie, obtient un large portefeuille dédié à la transition écologique «propre, juste et compétitive» dans la nouvelle Commission européenne, a annoncé Ursula von der Leyen mardi. La socialiste de 55 ans, proche du Premier ministre Pedro Sanchez, sera vice-présidence exécutive dans la nouvelle équipe, a précisé la dirigeante allemande.
L'Italien Raffaele Fitto, ministre des Affaires européennes du gouvernement d'extrême-droite de Giorgia Meloni, a été nommé mardi vice-président de la Commission européenne, en dépit des critiques à gauche et au centre de l'échiquier politique européen. L'Italie «retrouve son rôle central» dans l'UE, réagit la dirigeante italienne. La nomination annoncée à ce poste de ce membre du parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FDI) de Giorgia Meloni a ces derniers semaines provoqué une levée de boucliers au sein des forces de gauche et du centre au Parlement européen, où son audition s'annonce houleuse. La nouvelle Commission européenne doit encore recevoir l'aval des eurodéputés avant d'entrer en fonctions.
Le Lituanien Andrius Kubilius a été quant à lui nommé commissaire à la Défense et à l'Espace, nouveau poste créé par Ursula von der Leyen, pour faire face à la menace russe et la guerre en Ukraine.
40% de femmes à l'exécutif
La nouvelle équipe d'Ursula von der Leyen pour un second mandat à la tête de la Commission européenne comprendra onze femmes, soit une proportion de 40%, a annoncé mardi la responsable allemande au Parlement européen à Strasbourg. Ursula Von der Leyen, qui souhaitait la parité dans cette équipe de 27 commissaires, a expliqué que les propositions initiales des Etats membres donnaient une part de 22% de femmes. «C'était complètement inacceptable», a-t-elle souligné, tout en reconnaissant que, malgré les avancées obtenues dans la dernière ligne droite, il y avait «encore beaucoup de travail à accomplir».
Pour tenter de répondre aux critiques, quatre des six vice-présidences de la Commission sont attribuées à des femmes, notamment à la socialiste espagnole Teresa Ribera. Cette spécialiste du climat, ministre de Pedro Sanchez, hérite d'un large portefeuille dédié à la Transition écologique. Elle pourrait jouer un des premiers rôles dans la nouvelle équipe bruxelloise.
Economie «compétitive, circulaire et décarbonée»
L'Union européenne entend afficher ses priorités dans une période cruciale sur le plan géopolitique, avec la guerre en Ukraine, la campagne présidentielle américaine et la concurrence économique de la Chine.
Ursula von der Leyen a insisté sur l'économie «compétivitive, circulaire et décarbonée», dans le sillage du récent rapport de Mario Draghi sur les difficultés économiques de l'Union. Elle a mentionné trois piliers pour les cinq ans à venir la «prospérité, la sécurité et la démocratie».
Trois mois après des élections européennes marquées par la poussée de l'extrême droite, la gauche et les ONG redoutent que la réorientation de la Commission vers les enjeux économiques se fasse au détriment des ambitions climatiques du précédent mandat.
Auditions devant les eurodéputés
Après cette présentation de l'équipe d'Ursula von der Leyen, les commissaires putatifs devront passer des auditions devant les eurodéputés et se soumettre à un vote d'approbation, un bras de fer institutionnel avec le Parlement qui veut souvent marquer son territoire en retoquant certains candidats. «C'est comme si tu passais un examen», pour se préparer, le commissaire doit réviser le «briefing book», une «bible» sur l'action de la commission précédente et quels sont les objectifs, raconte une proche d'un sortant.
Plusieurs députés aimeraient faire tomber le candidat hongrois, accusé d'être peu à l'écoute du Parlement européen et trop proche des positions du Premier ministre nationaliste Viktor Orban. Dans le cadre de la présidence hongroise de l'UE, Viktor Orban devait s'exprimer à Strasbourg mercredi, mais a annulé sa venue en raison de la tempête Boris touchant l'Europe centrale.
Flou sur le calendrier
Si elle a exprimé le souhait que la nouvelle commission puisse être opérationnelle «dès que possible», Ursula von der Leyen est restée évasive sur le calendrier. L'organisation des auditions au Parlement et leurs rebondissements augurent d'une possible mise en place de la nouvelle équipe début décembre.