Dévoilé jeudi, l'acte d'inculpation du parquet fédéral de Manhattan mentionne notamment des faits de fraude électronique, sollicitation illégale de contribution de campagne électorale auprès d'une personne étrangère et l'acceptation de pots-de-vin de la part d'un officiel turc.
En échange, Eric Adams, devenu maire en 2021, aurait usé de son influence auprès des pompiers de New York pour accélérer l'ouverture d'un gratte-ciel abritant la mission de la Turquie auprès des Nations unies et son consulat général, peut-on lire dans le document judiciaire.
«Il a caché au public qu'il était arrosé en secret de cadeaux» et a maintenu «le public dans l'ignorance année après année», a accusé le procureur fédéral de Manhattan, Damian Williams, lors d'un point presse.
«Ce qui est allégué dans l'acte d'accusation, l'argent étranger, l'argent de sociétés, les années de dissimulation - montre qu'il (Eric Adams) a gravement rompu le lien de confiance avec le public», a ajouté le procureur, alors que les appels à la démission du maire se sont multipliés chez les élus démocrates new-yorkais.
L'acte de 57 pages détaille des soupçons de contributions illégales de la part de donateurs étrangers et des cadeaux sous forme de luxueux voyages en avion sur les lignes d'une compagnie turque, ainsi que des séjours dans des hôtels huppés, toujours en Turquie.
Autant de faveurs que l'ancien maire de l'arrondissement de Brooklyn, qui préparait sa campagne pour devenir maire de New York, aurait dû déclarer en tant qu'élu. Eric Adams a répondu qu'il était «impatient» de se défendre, lors d'un point presse devant sa résidence, perquisitionnée tôt jeudi matin, excluant implicitement de démissionner.
Coup de tonnerre
Mais cette inculpation sonne comme un coup de tonnerre et fragilise encore plus le maire de la plus grande ville des États-Unis (8,5 millions d'habitants), un ancien capitaine de police de New York afro-américain élu en 2021 sur des promesses de sécurité, qui a vu son taux de popularité chuter durant son mandat, tandis que les affaires visant l'Hôtel de ville se sont multipliées.
«J'ai voté pour lui parce que c'était un ancien policier, je pensais que la ville en avait besoin. Et je trouvais qu'avoir un maire noir était très positif après le mouvement 'Black Lives Matter'. Mais c'est une déception. Il doit démissionner», a déclaré à l'AFP un électeur New-yorkais, Bartholomew Bland, en traversant la gare grouillante de monde de Grand Central, à Manhattan.
Son inculpation risque aussi d'embarrasser le camp démocrate, à quarante jours de l'élection présidentielle entre Kamala Harris et le républicain Donald Trump, au coude-à-coude dans les sondages.
«J'ai toujours su que si je défendais les intérêts des New-Yorkais, je serais une cible - et je le suis devenu», s'est défendu Eric Adams. «Si je suis inculpé, je suis innocent et je me battrai avec toute ma force et mon esprit», a ajouté le maire, 64 ans.
Au moins quatre enquêtes fédérales sont en cours, dont trois menées par le parquet de Manhattan, visant le maire et ses proches, dont plusieurs ont démissionné ces derniers jours.
Appel à la démission
L'annonce de l'inculpation intervient après la démission de plusieurs alliés du maire ces derniers jours, dont son commissaire à la santé et le chancelier à l'éducation, l'un de ses très proches. Le chef de la police, Edward Caban, lui aussi visé par une enquête, avait déjà démissionné plus tôt en septembre, un an seulement après son arrivée à la tête du New York Police Department (NYPD) et de ses 36'000 agents.
Mercredi, avant même l'annonce de l'inculpation du maire, l'élue de New York à la Chambre des représentants et figure de la gauche Alexandria Ocasio-Cortez avait appelé Eric Adams à la démission, «pour le bien de la ville».
Eric Adams avait gagné la primaire démocrate de 2021 sur la promesse de faire baisser la criminalité, qui avait grimpé en flèche à New York pendant la pandémie de Covid. Il a pu mettre à son crédit une diminution des crimes violents, mais les New-Yorkais doivent aussi faire face à la hausse du coût de la vie et à une crise du logement qui a fait grimper leurs loyers à des niveaux sans précédent.
Fin 2023, le taux de popularité du maire était tombé au plus bas, à 28% dans un sondage. Dans ce contexte, plusieurs rivaux se sont déclarés candidats à la primaire du parti en 2025.