«Esprit de résistance massif»
Pourquoi l'Ukraine risque de devenir un nouvel Afghanistan

Comment la guerre se finira-t-elle en Ukraine? Benno Zogg, expert en sécurité de l'EPFZ, décrypte les différents scénarios avec Blick. Car conquérir un pays est une chose, le garder sous contrôle en est une autre.
Publié: 05.03.2022 à 06:14 heures
Selon l'expert de l'EPFZ Benno Zogg, l'Ukraine pourrait devenir le théâtre d'une longue guérilla.
Photo: Philippe Rossier
Guido Felder

La mission de Vladimir Poutine en Ukraine se déroule certes de manière chaotique pour les troupes russes. Il faut néanmoins s’attendre à ce qu’elles causent de gros dommages au pays et qu’elles en prennent partiellement le contrôle.

L’expert de l’EPFZ Benno Zogg s’attend à ce qu’au moins le Donbass dans l’est de l’Ukraine ainsi que le pont terrestre entre la Russie et la péninsule annexée de Crimée puissent rester occupés par les Russes. Il s’attend en outre à la mise en place d’un gouvernement fantoche à Kiev, piloté par Moscou, si tout se déroule selon le scénario du Kremlin.

Mais conquérir un pays est une chose, le garder sous contrôle par la suite en est une autre. De gros problèmes attendent donc le président russe dans le plus grand pays d’Europe, même après une éventuelle victoire.

Les élites locales: un enjeu majeur de l'après-guerre

«Le plus simple pour lui serait qu’une population bienveillante l’attende», explique l’expert de l'EPFZ à Blick. Mais cela ne devrait être le cas que dans peu d’endroits, même pas forcément dans le Donbass ni dans la ville de Kharkiv.

Pour pouvoir administrer durablement les territoires occupés, Vladimir Poutine devrait miser sur des élites locales prorusses en matière de politique et de police, estime Benno Zogg. Dans le même temps, le maître du Kremlin devrait se débarrasser de l’opposition. Le chercheur poursuit: «Il arrêterait probablement les personnes fidèles à Kiev et orientées vers l’Occident ainsi que les militants des droits de l’homme.»

Une autre étape serait la tenue d'«élections locales» non libres, par lesquelles Poutine légitimerait sa conquête, comme il l’avait fait lors de l’annexion de la Crimée. «Ensuite, il mettrait en place un appareil de répression pour faire taire les gens, sécuriser les frontières et empêcher les sabotages», détaille Benno Zogg.

Se dirige-t-on vers un nouvel Afghanistan?

La crainte est grande que l’Ukraine se transforme en un nouvel Afghanistan. Car après une occupation, les accrochages entre les rebelles ukrainiens et les occupants seraient inévitables.

Une différence avec l’Afghanistan: personne n’a fourni d’armes modernes aux talibans. En revanche, les rebelles ukrainiens pourraient avoir recours à des équipements dernier cri provenant de l’Occident. «En outre, il s’est avéré que l’esprit de résistance des Ukrainiens est massif», explique Benno Zogg.

Kiev devrait désormais s’adapter à une telle guerre décentralisée et répartir ses armes des grands dépôts vers de petits entrepôts secrets. Une telle résistance ne correspondrait pas au plan de Vladimir Poutine et entamerait énormément les forces de l’occupant. L’expert de l’EPFZ en est persuadé: «Une longue insurrection pourrait se développer en Ukraine.»

(Adaptation par Quentin Durig)

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