Une brebis bave, une autre boite, une troisième n'arrive même plus à marcher: la fièvre catarrhale ovine, maladie virale dite de la «langue bleue», frappe de nouveau l'élevage d'Erik van Norel aux Pays-Bas.
Touché l'an dernier, l'éleveur de 41 ans pensait en avoir terminé avec cette maladie après avoir vacciné l'ensemble de son troupeau, mais il assiste aujourd'hui au retour du virus dans sa ferme.
En septembre 2023, lorsque le nouveau sérotype 3 du virus apparaît pour la première fois en Europe, aux Pays-Bas, Erik Van Norel évacuait quotidiennement des animaux souffrants avec son quad du pré vers l'étable. Certains mouraient en l'espace de 12 heures.
L'éleveur perd 80 bêtes, soit 75% des moutons malades. «La situation était désespérée, il n'y avait rien à faire», se souvient-il, sur son pré à Oosterwolde, dans le nord du pays.
Des milliers de cas en Europe
La fièvre catarrhale ovine est transmissible par un moucheron et touche essentiellement les moutons, mais aussi les bovins, les chèvres ou d'autres ruminants.
Elle connait actuellement une flambée dans plusieurs pays du continent, avec des milliers de cas en Allemagne et plus d'un millier en Belgique. En France, le nombre d'exploitations touchées a plus que quadruplé en huit jours, avec 190 foyers confirmés au 22 août.
La maladie se manifeste par de la fièvre, des troubles respiratoires, une langue pendante ou encore la perte des petits lors de la gestation et parfois par la mort des animaux. Sa détection n'entraîne pas l'abattage contrairement à la grippe aviaire ou à la fièvre aphteuse chez les ruminants.
La mortalité est très faible chez les bovins infectés mais peut se traduire par une baisse massive de la production laitière. Le virus ne présente aucun risque pour l'homme.
Les autorités néerlandaises comptent désormais dans le petit pays agricole quelque 6.384 foyers, soit une augmentation de près de 1.000 cas en une semaine, selon les chiffres publiés jeudi. Une sous-estimation par rapport à la réalité, souligne le principal syndicat agricole LTO, car face à l'explosion des cas, les éleveurs ne font plus de prélèvements sanguins pour tous les animaux malades.
Une vaccination qui avance
L'élevage d'Erik van Norel est de nouveau touché en cette «deuxième saison» de ce type du virus, mais grâce à la vaccination, ses animaux sont bien moins malades que l'an dernier.
Il s'agenouille près d'une brebis qui se tient à l'écart du troupeau, à l'ombre. «Sa bouche est très sensible, on voit qu'elle mange à peine et qu'elle devient très maigre, elle bave beaucoup, elle a également eu de la diarrhée, tous des symptômes indiquant qu'elle est malade», explique-t-il.
Mais cette brebis va s'en sortir, estime l'éleveur. Ce qui n'est pas certain pour six autres, mises à «l'infirmerie» dans un pré derrière l'étable. Elles sont guéries, mais souffrent de complications.
Des inflammations dans les jambes les empêchent de marcher, voire même de se lever. Celles dont la situation ne s'améliorera pas suffisamment seront euthanasiées, «pour le respect des bêtes», explique Erik Van Norel.
La vaccination n'empêche pas que les animaux soient touchés par la maladie mais ils sont moins malades: le taux de mortalité dans sa ferme chez les animaux touchés est actuellement de 10%, contre 75% l'an dernier.
Trois nouveaux cas en Suisse
Après un premier cas de BTV-8 sur un bovin du canton de Vaud révélé jeudi, l'OSAV a annoncé vendredi trois détections de la maladie de la langue bleue de sérotype 3 (BTV-3) sur des moutons dans les cantons du Jura et de Soleure. Il prépare les mesures nécessaires. Le virus est sans danger pour l'être humain.
Il s'agit de deux moutons dans une exploitation agricole jurassienne et d'un mouton dans le canton de Soleure, indique l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) dans un communiqué.
Premier cas en Suisse en 2007
Depuis les années 2000, la maladie se propage en Europe. Le sérotype 8 a atteint la Suisse pour la première fois en 2007. Entre 2008 et 2010, la Suisse a mené un vaste programme de vaccination. Le cas annoncé dans le canton de Vaud est le premier depuis 2020.
Depuis 2023, le sérotype 3 se propage rapidement en Europe. Il a désormais atteint la Suisse depuis le nord. Les déplacements d'animaux restent possibles sans restriction dans le pays, précise l'OSAV.
En Suisse, il existe un vaccin autorisé contre le BTV-8. Chaque détenteur peut décider librement de vacciner ou non ses animaux. Toutefois, même s'il existe trois vaccins contre le BTV-3, aucun d'eux n'est actuellement autorisé ni en Suisse ni dans l'Union européenne. Les fabricants de vaccins peuvent soumettre une demande d'autorisation à Swissmedic, qui la traitera en priorité et dans le cadre d'une procédure accélérée, précise l'office fédéral.
Les vaccins peuvent réduire les symptômes, mais pas empêcher l'infection ni la propagation du virus. L'OSAV ajoute qu'il n'est pas possible de protéger complètement les animaux des moustiques, même si l'utilisation de moustiquaires et de barrières physiques aide, tout comme l'application d'insecticides et de répulsifs. De plus, il est recommandé d'éloigner les animaux des eaux stagnantes.
Un «coup dur financier»
Le gouvernement néerlandais a accéléré l'autorisation de trois vaccins pour être disponibles avant que la population de moucherons ne redevienne active au cours de l'été.
Mais le LTO regrette que tout, du coût de vaccination à l'achat de médicaments et au défraiement du vétérinaire, soit à la charge des éleveurs. «Le gouvernement a fait son travail avec les vaccins mais compte tenu de l'impact social sur les éleveurs de moutons et de producteurs laitiers, nous aimerions que le ministère fasse davantage», déclare à l'AFP Heleen Prinsen, spécialiste de la santé et du bien-être animal au LTO.
«En Allemagne, en France et au Danemark, les éleveurs reçoivent une compensation pour les vaccins», avance Heleen Prinsen, appelant l'Union européenne à organiser une réponse collective à la maladie, notamment en matière de recherche, de vaccins et de subventions.
Il est trop tôt pour chiffrer l'impact de la maladie sur le secteur, observe-t-elle, mais ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit d'un énième «coup dur financier» pour les éleveurs. Erik van Norel estime avoir perdu «des dizaines de milliers d'euros» l'an dernier. Il a su gérer, mais sa ferme ne survivra pas à beaucoup d'autres de ces épisodes: «Ce sera la clé sous la porte».