Que contient le carton de documents présumés secrets trouvés le 8 août par le FBI chez Donald Trump avec, dessus, la mention «President of France»? Le simple fait de poser la question de cette façon contient peut-être déjà des erreurs factuelles. Un ou plusieurs cartons, parmi les 17 saisis mentionnés par les médias? Avec, à l'intérieur, un ou plusieurs classeurs de documents? Des écrits, télégrammes diplomatiques, rapports de la CIA ou photos?
Le mystère est entier depuis que le FBI – dont le mandat de perquisition a été rendu public par le département américain de la justice – a laissé fuiter cette brève et elliptique information. Trois mots demeurent: «President of France». Et un fait: rien n’a été trouvé sur le Premier ministre britannique. Rien sur la Chancelière allemande. Rien sur le président russe. Rien sur le secrétaire général du parti communiste chinois. Donald Trump avait semble-t-il des raisons particulières d’emporter avec lui des informations sur Emmanuel Macron. Mais si oui, lesquelles? Et dans l’intention de les utiliser comment?
Loin de la diplomatie
Pas question, ici, de spéculer sur le contenu de ce «carton» dont on ne connaît pour l’heure, encore une fois, ni la taille, ni le poids, ni le contenu. Impossible, en revanche, de ne pas se dire qu’une telle sollicitude trumpienne avait peut-être des raisons bien éloignées de la diplomatie et de la simple amitié mutuelle. Rappelons-nous la compétition que se livrèrent les deux hommes en matière de poignée de mains, lors de leurs premières rencontres. Gardons en tête l’irritation de Donald Trump lorsqu’en décembre 2019, Emmanuel Macron jugeait l’OTAN en état de «mort cérébrale».
La liste pourrait s’allonger. Faut-il en déduire, comme l'a fait dans un tweet Jennifer Palmieri, ancienne collaboratrice de Hillary Clinton, que Donald Trump gardait chez lui des secrets susceptibles de servir de monnaie d'échange avec Vladimir Poutine? Une chose est en tout cas certaine: le président français, toujours sûr de son charme et convaincu que le fait de parler anglais lui donne un avantage, était dans le collimateur du milliardaire, qu'il s'efforça pourtant d'apprivoiser après son arrivée à l'Elysée.
Le scénario de la défiance
Pourquoi tant d'intérêt pour ce carton retrouvé parmi d'autres à Mar-a-Lago, où Donald Trump affirme n'avoir conservé que des documents «déclassifiés»? Parce que le secret qui l'entoure est empoisonné. La seule hypothèse rassurante serait en effet que Donald Trump, nostalgique de ses visites à Paris, de sa présence au défilé du 14 juillet 2017 (le premier du mandat d’Emmanuel Macron), de ses apartés au sommet du G7 de Biarritz en juin 2019 ou de ses pas sur les plages normandes quelques jours plus tôt pour le 75e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944… ait voulu garder des traces personnelles de ces passages présidentiels en France.
Pour le reste? Toutes les autres éventualités alimentent le scénario de la défiance, voire d’un règlement de comptes en préparation.
Publication impérative
L’élément le plus redoutable, dans cette affaire, n’est peut-être même pas pas le mystère qui plane au-dessus de ce carton, ni les spéculations au sujet de l’utilisation future que comptait en faire le milliardaire arrivé à la Maison Blanche par la téléréalité. Le danger le plus insidieux est celui de la défiance et de la rumeur. Ainsi donc, quelque chose se trouve dans ce carton que le locataire de l’Elysée pourrait vouloir cacher? Pourquoi le gouvernement français, puisqu’il s’agit a priori de documents officiels, n’en demande pas aussi la publication? Ces seules interrogations, déjà, sont déstabilisantes.
Tel est le piège tendu à toutes nos démocraties par la méthode Trump, dans tous les domaines du pouvoir et de ses ramifications. Que des secrets sur des dirigeants transitent par le bureau ovale du président à Washington n’a rien de scandaleux ou de surprenant. Les services de renseignement sont là pour ça et ceux des Etats-Unis sont, on le sait, les plus puissants du monde. Que certains secrets, en revanche, quittent le domaine de la raison d’Etat pour celui des manœuvres personnelles, voire revanchardes, est le pire des poisons entre démocraties.
Les erreurs de Macron
L'épreuve des faits a montré qu'Emmanuel Macron s’est trompé en croyant qu’il pourrait transformer Donald Trump en allié, voire qu’il pourrait le convertir à certaines de ses thèses. Le propre des dirigeants populistes peu regardants sur la démocratie et ses règles est de ne rien respecter d’autre que le rapport de forces et l’inclinaison populaire du moment. En gardant, toujours, une arme de destruction politique massive contre de potentiels concurrents ou rivaux.
Si le carton «President of France» de Mar-a-Lago contient des secrets embarrassants pour le locataire de l’Elysée, sa présence en Floride prouve que son détenteur est un dangereux maître chanteur. Si tel n’est pas le cas, alors l’urgence est de le faire savoir. Les mystères de ce carton perquisitionné pour cause de violation présidentielle de la loi américaine sur l’espionnage sont, dans tous les cas, un carburant garanti pour le complotisme. Des deux côtés de l’Atlantique.