Du bureau au champ de mines
«Il faudrait plus de 700 ans pour débarrasser l'Ukraine de ses mines»

La guerre a fait de l'Ukraine le plus grand champ de mines du monde. Des démineurs comme Nadejda Koudriavtseva nettoient les prairies et les champs des restes explosifs de la guerre par un travail minutieux, notamment grâce à l'appui de la Suisse.
Publié: 04.07.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 04.07.2023 à 06:45 heures
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Les démineurs de la fondation suisse FSD ratissent centimètre carré par centimètre carré les zones potentiellement minées en Ukraine.
Photo: John Montgomery/FSD
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Anastasia Mamonova et Lea Hartmann

Avant la guerre, Nadejda Kudriavtseva travaillait comme responsable de réseaux sociaux et avait ouvert un service de livraison de sushis. Aujourd'hui, elle passe au peigne fin les prairies et les champs avec un détecteur de métaux, à la recherche de mines, de pièges explosifs et de munitions pas déclenchées. L'Ukrainienne travaille depuis près d'un an pour la Fondation suisse de déminage (FSD) en tant que «sapjor» – traduisez démineuse.

Environ un tiers de l'Ukraine pourrait être minée à cause de la guerre. Cela représente une surface plus de quatre fois supérieure à celle de la Suisse. «Si nous voulons vraiment examiner chaque signal du détecteur de métaux, une personne ne peut pas faire plus de cinq mètres carrés par jour», explique Aleksandr Marchenko, un collègue de Nadejda Kurdriavtseva. Selon le rapport de l'ONG slovaque Globsec, qui s'appuie sur les données du ministère ukrainien des Affaires étrangères, il faudrait plus de 700 ans avec le personnel actuellement en poste en Ukraine pour débarrasser le pays des mines et autres restes explosifs de la guerre.

Sans déminage, pas de reconstruction

Le déminage est essentiel pour la reconstruction de l'Ukraine. Alors que les autorités se concentrent sur le nettoyage d'infrastructures particulièrement urgentes, par exemple les bâtiments ou les routes, des organisations comme la FSD s'occupent de zones importantes pour l'agriculture et la sylviculture.

Nadejda Kudriavtseva et ses collègues examinent surtout les champs à la recherche d'ogives non explosées. Ils le font d'abord le plus souvent à l'œil nu ou avec un détecteur de métaux. Avant sa formation – six semaines de théorie – elle n'avait aucune idée de l'aspect des mines, raconte-t-elle. «Les voir en vrai, c'était un peu étrange.»

La Suisse veut développer son aide

L'Ukraine reçoit de l'aide pour le déminage, entre autres de la Suisse. Lors de la conférence sur la reconstruction qui s'est tenue le mois dernier à Londres, le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a souligné l'engagement de la Suisse dans ce domaine.

La Confédération veut fortement augmenter le budget du déminage humanitaire dans les années à venir. Aux quelque 18 millions de francs dépensés chaque année jusqu'à présent, il faut ajouter cette année au moins 15 millions réservés à l'Ukraine. Selon le département des Affaires étrangères, on ne sait pas encore combien de millions seront alloués dans les années à venir.

Le PS fait donc pression: pour lui, le budget est trop faible et il exige que la Suisse joue un rôle de coordination dans les travaux de déminage en Ukraine. Dans une intervention, le parti a demandé que la Suisse mette en place un programme international de déminage humanitaire.

Des machines suisses pour l'Ukraine

L'argent suisse revient en partie à des organisations comme la FSD. Mais la Confédération veut aussi soutenir l'Ukraine directement avec de l'équipement. Ainsi, en septembre, une machine de déminage télécommandée de la fondation Digger sera envoyée pour la première fois en Ukraine.

Son directeur, Frédéric Guerne, souhaiterait mettre en place une ligne de production directement en Ukraine. «Cela permettrait de répondre aux besoins énormes de l'Ukraine en matière de matériel de déminage, mais aussi d'en assurer l'entretien à long terme.» Il a demandé à la Confédération un soutien financier pour ce projet.

Le deuxième acteur suisse sur le marché, l'entreprise Global Clearance Solutions (GCS), basée dans le canton de Schwytz, collabore aussi avec la Confédération. Depuis le début de la guerre, GCS a déjà livré plus de dix systèmes de déminage en Ukraine, explique son directeur Philipp von Michaelis. D'ici la fin de l'année, ce chiffre devrait atteindre la trentaine. L'entreprise forme également des démineurs.

«Les parents étaient d'abord totalement contre»

«Nous sommes actuellement submergés de demandes pour nos systèmes», explique von Michaelis. Mais plus encore que l'équipement technique, c'est le savoir-faire qui fait actuellement défaut en Ukraine. «Certains clients pensent qu'une telle machine de déminage fonctionne comme une tondeuse à gazon. Ce n'est pas le cas». Il faut donc absolument consacrer suffisamment de temps et d'argent à la formation du personnel.

Les parents de Nadejda Kudriavtseva ont eu besoin de temps pour s'habituer au nouveau travail de leur fille. «Au début, ils étaient totalement opposés à ce que je travaille comme démineuse», dit-elle. Mais depuis, ils l'ont accepté.

«Avec notre travail, nous sauvons des vies», dit-elle. Pour elle, il est clair qu'elle veut rester en Ukraine, malgré la guerre et les destructions qu'elle apporte. «Je veux devenir mère un jour et je veux que mon enfant vive dans une zone sûre, à l'abri des engins explosifs.»

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