Santiago Peña, un économiste de 44 ans, héritier du Parti Colorado (conservateur) au pouvoir quasiment sans interruption depuis 76 ans, et Efrain Alegre, un avocat de 60 ans à la tête d'une coalition de centre-gauche, sont au coude-à-coude, selon les sondages. L'élection se joue sur un seul tour.
Derrière eux, un candidat «anti-système», Paraguayo Cubas, au discours radical, anti-parlementaire, a effectué ces dernières semaines une percée remarquée.
Il y avait affluence dès l'ouverture des bureaux de vote à 07h00 (13h00 en Suisse), a constaté l'AFP. «Que les urnes soient un lieu d'harmonie», a demandé M. Peña. M. Alegre a salué en mi-journée une participation forte, selon lui «la plus grande des quatre dernières élections».
L'opposant a dénoncé un incident dans un bureau de vote d'Yby Pyta (nord), près de la frontière brésilienne «en territoire de narcos» où des hommes armés auraient «tenu en joue et séquestré, des assesseurs de sa formation.» Le chef de la police paraguayenne Gilberto Fleitas a démenti.
La vague rose pourrait atteindre le Paraguay
Une défaite du plus que centenaire Colorado marquerait un autre basculement à gauche d'un pays d'Amérique latine, dans la lignée d'une vague dite «rose» ces cinq dernières années, qui a vu des alternances du Mexique au Chili, de la Colombie au Brésil.
Le social, et la répartition des richesses ont été un thème fort de la campagne, dans un pays agro-exportateur à la prospérité enviable en Amérique latine (4,5% de croissance prévus en 2023), mais aux criantes inégalités (24,7% de pauvres), et au système de santé public notoirement défaillant.
Dans le «Bañado sur», un de ces bidonvilles régulièrement inondés sur les berges de a rivière Paraguay à Asuncion, des habitants affirmaient cette semaine leur désintérêt pour le scrutin, faute de «proposition sérieuse pour les pauvres».
Mais une file d'attente compacte suggérait bel et bien dimanche une mobilisation des 12.000 électeurs du bidonville, a constaté l'AFP. Et Victor Hugo Fernandez, dirigeant local, pressentait une victoire locale du jeune candidat du vieux parti Colorado.
Une très forte corruption
Efrain Alegre, jadis militant contre la dictature d'Alfredo Stroessner (1954-1989), deux fois déjà candidat à la présidence (2013, 2018), se pose en pourfendeur de ce qu'il appelle la «mafia» clientéliste Colorado «liée au crime organisé», un système à présent «effondré», selon lui.
La corruption a de fait pesé dans l'élection – le pays est 137e sur 180 dans le classement de la perception de la corruption de l'ONG Transparency International.
M. Peña a dû se défendre du stigmate associé à son mentor, l'ex-président (2013-2018) et magnat du tabac Horacio Cartes, que Washington a qualifié en 2022 de «significativement corrompu» et interdit d'entrée ou de transactions aux Etats-Unis, pourtant historiquement allié indéfectible d'Asuncion. Le vice-président sortant a connu le même sort.
Car dans un Paraguay aux frontières poreuses (enclavé entre Brésil, Argentine et Bolivie), lieu de transit majeur de la cocaïne andine, la corruption gangrène, et tue désormais: un procureur, un maire anti-drogue et un journaliste ont été assassinés en 2022.
Un monde «déshumanisé»
Dans un pays à 90% catholique, à forte influence guaranie (langue amérindienne officielle, comme l'espagnol), les deux principaux rivaux se rejoignent sur les thèmes sociétaux, opposés tous deux au mariage pour tous et à l'avortement.
«Nous sommes une société conservatrice, c'est profondément enraciné en nous (...) et ça nous rend prudents face aux grands changements de société», assume l'AFP M. Peña, qui se présente en garant des traditions et de la famille, face à un monde «déshumanisé».
Un scrutin à l'impact international
A des années-lumière des préoccupations des Paraguayens, le scrutin pourrait avoir aussi un impact géopolitique marginal.
S'il est élu, M. Alegre a en effet indiqué qu'il «analysera» le devenir des relations d'Asuncion avec Taipei, au nom de l'intérêt commercial supérieur que revêtirait un rapprochement avec la Chine. Le Paraguay est l'un des 13 Etats au monde – seul d'Amérique du Sud – qui reconnaît officiellement Taïwan.
M. Peña, pour sa part, a affirmé qu'il transfèrerait – de nouveau – l'ambassade paraguayenne en Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Le président Cartes l'avait déjà fait en 2018, avant que son successeur Mario Abdo Benitez ne revienne sur le transfert quelques mois plus tard.
Près de 4,8 millions d'électeurs désignent président, vice-président, députés, sénateurs, et 17 gouverneurs provinciaux. Les résultats devraient être connus environ 3 heures après la fermeture des bureaux de vote à 22h00 (heure suisse).
(ATS)