Depuis plusieurs jours, le président ukrainien Volodymyr Zelensky met en garde contre l'arrivée imminente d'environ 10'000 soldats nord-coréens pour épauler les troupes russes sur le champ de bataille.
Dans une vidéo publiée par le gouvernement ukrainien sur X, on verrait des soldats nord-coréens récupérer du matériel dans un point de distribution en Russie. Selon les services de renseignement sud-coréens (NIS), la Corée du Nord aurait déjà envoyé 1500 soldats en Russie. L'OTAN enquête actuellement sur ces rapports concernant le déploiement de troupes nord-coréennes.
Sans surprise, ni la Russie ni la Corée du Nord n'ont commenté ces allégations. Cependant, la question se pose: quelles sont ces unités militaires qui auraient été envoyées en Russie récemment?
Des troupes loyales avec un équipement rudimentaire
Selon le NIS, il ne s'agit pas de soldats «ordinaires». Ils auraient plutôt été détachés des rangs des 200'000 hommes des forces spéciales du pays. A part des rumeurs et des spéculations, rien de concret n'a filtré sur le rôle que pourraient jouer les forces spéciales non russophones sur le front est de l'Ukraine, où une guerre d'usure s'est développée.
D'après un rapport des services de renseignement militaires américains de 2021, ces forces spéciales nord-coréennes sont considérées comme loyales, bien entraînées, et équipées du meilleur matériel que la Corée du Nord puisse offrir, incluant des armes chimiques et biologiques. Cependant, le rapport souligne également que comparé aux autres forces spéciales dans le monde, leur équipement reste rudimentaire. Leur mission principale est d'espionner les défenses et stratégies sud-coréennes. Désormais, il semble que le président russe Vladimir Poutine ait décidé de faire appel à leurs services.
Une taille de 200'000 hommes semble inhabituelle
Selon Maxwell Goldstein, analyste de la société de conseil en renseignement londonienne Grey Dynamics, les forces spéciales nord-coréennes disposent de douze brigades d'infanterie légère, de trois unités de reconnaissance pour les opérations derrière les lignes ennemies, de trois divisions aéroportées et de trois unités de tireurs d'élite généraux, ainsi que de brigades de tireurs d'élite des forces aériennes et navales.
Sa taille, estimée à 200'000 hommes, est toutefois inhabituelle par rapport aux autres forces spéciales. Le Special Air Service (SAS) britannique ne compterait jamais plus de 500 soldats actifs, alors que la Delta Force américaine compte environ 2000 membres actifs.
De même, contrairement au SAS ou à d'autres forces spéciales, on ne sait presque rien sur les activités de son homologue nord-coréen. Selon le «Telegraph», certains de ses soldats auraient participé en 2017 à un événement public au cours duquel ils auraient marché en formation côte à côte avec des soldats de l'armée régulière.
Sur des images diffusées par la télévision nationale nord-coréenne, on pouvait voir les forces spéciales vêtues de camouflage noir et portant des lunettes de soleil sombres. Plusieurs reportages d'actualité avaient alors souligné une nette ressemblance avec les uniformes des forces spéciales sud-coréennes – les fameux Black Berets –, ce qui laissait penser qu'ils avaient peut-être été directement conçus sur leur modèle à l'époque, vers 1968.
«Comparée à la Chine, la Russie a très peu à offrir à la Corée du Nord»
La professeure Hazel Smith, une éminente spécialiste britannique de la Corée du Nord à l'université SOAS, appelle toutefois à la prudence face à l'affirmation de Séoul selon laquelle des forces spéciales ont été envoyées en Ukraine. «Il est très difficile de déterminer la validité de la déclaration des services de renseignement sud-coréens», explique-t-elle au Telegraph.
«S'il y a des soldats, il s'agit probablement de forces spéciales uniquement parce que la Corée du Nord ne peut pas se permettre d'envoyer des conscrits, car elle ne leur fait pas confiance. Leur priorité serait de déserter ou de se cacher. Les forces d'intervention spéciales sont considérées comme plus loyales envers le gouvernement nord-coréen.»
C'est également l'avis de l'historien Ian Garner. Du moins en ce qui concerne la poursuite de l'envoi de troupes nord-coréennes. Il est en effet convaincu qu'un autre acteur a encore son mot à dire: la Chine. Celle-ci considère la Corée du Nord comme une zone tampon entre elle et la Corée du Sud, alliée des Etats-Unis, et s'oppose depuis toujours à toutes les décisions de Pyongyang jugées risquées ou déstabilisantes pour la politique étrangère chinoise, notamment les relations commerciales avec l'Occident, explique Garner au Telegraph. «Comparée à la Chine, la Russie a très peu à offrir à la Corée du Nord. Donc si Pékin freine le plan, ces troupes pourraient ne jamais arriver sur le front.»