«Des opérations de nettoyage ethnique»
Près de 1300 morts en 4 jours, la Syrie replonge dans le chaos

Après la chute de Bachar al-Assad en décembre, la Syrie bascule à nouveau dans la violence. Depuis le 6 mars, des affrontements entre partisans du régime déchu et nouvelles forces gouvernementales ont fait plus de 1300 morts, donc près de 1000 civils.
Publié: 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 11:41 heures
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L'armée syrienne envoie des renforts, y compris des chars, des véhicules blindés et des lance-roquettes, à Lattaquié et à Tartous, à l'ouest du pays, fief des alaouites.
Photo: Anadolu via Getty Images
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Solène MonneyJournaliste Blick

Depuis le 8 décembre dernier, la Syrie tente de retrouver une stabilité après la chute du régime de Bachar al-Assad, qui avait mis fin à 13 ans de guerre civile et 50 ans de règne du clan. Mais depuis le jeudi 6 mars, le pays s’enfonce de nouveau dans une spirale de violences meurtrières. Des affrontements sanglants opposent les partisans pro-Bachar aux nouvelles forces gouvernementales, plongeant l'ouest du pays dans un bain de sang.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), en quatre jours plus de 900 civils, dont de nombreux enfants, ont été tués. L’ONG évoque des «meurtres, des exécutions sommaires et des opérations de nettoyage ethnique». Et au moins 480 membres des forces de sécurité et combattants pro-Assad ont aussi péri.

Le président par intérim, Ahmad al-Chareh, chef du groupe islamiste sunnite Hayat Tahrir al-Sham (HTS), tente de rassurer les minorités et d’apaiser la communauté internationale. Mais comment la situation a-t-elle pu dégénérer à ce point? Blick fait le point.

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Des attaques sanglantes

Tout commence le 6 mars, lorsque des partisans de Bachar al-Assad attaquent des forces de sécurité à Jablé, près de Lattaquié, bastion de la minorité alaouite, branche chiite de l’islam à laquelle appartient le clan du président déchu. En réponse, les nouvelles autorités envoient des renforts dans les provinces voisines de Lattaquié et Tartous.

Ce qui devait être un affrontement isolé s’est rapidement transformé en massacre. Selon des témoins cités par le «Washington Post», des groupes sunnites ont mené des attaques systématiques contre les civils, allant de maison en maison, tuant les occupants et pillant leurs biens.

Le gouvernement tente de prendre ses distances, accusant certaines factions rebelles et annonçant la création d’une commission d’enquête afin de poursuivre les responsables des exactions. Mais de nombreux témoins estiment que ces violences sont étroitement liées aux forces gouvernementales.

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Des tensions ethniques

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie est morcelée en une multitude de factions armées aux alliances changeantes. Les alaouites, qui représentent environ 9% de la population, ont longtemps dominé les secteurs militaire et sécuritaire sous Assad, réprimant violemment l’opposition sunnite.

Aujourd’hui, les populations sunnites, encouragées par des prédicateurs salafistes et des factions islamistes radicales, appellent à une vengeance sanglante contre les alaouites, perçus comme responsables des crimes du régime Assad. «Le Monde» rapporte que certains vont jusqu’à réclamer un «nettoyage» total de cette minorité dans les régions sous leur contrôle.

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Les alaouites pris pour cible

Dimanche 9 mars, le ministère de l’Intérieur a annoncé l’envoi de renforts militaires pour «rétablir le calme». L'armée a lancé des opérations pour «traquer les derniers hommes fidèles à l’ancien régime» à Qadmous et dans les villages environnants.

Les routes menant à la région côtière ont été fermées «pour éviter les exactions», selon les autorités. Ahmad al-Chareh a sommé ses troupes de stopper les violences et a promis des sanctions contre les coupables. Mais toutes les factions sous son commandement ne semblent pas prêtes à suivre ces directives.

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Un fragile appel à l'unité

Si le président par intérim prône aujourd’hui l’apaisement, son ton était bien différent il y a quelques jours. Vendredi, il menaçait encore les insurgés alaouites: «Vous vous en êtes pris à tous les Syriens et avez commis une faute impardonnable. La riposte est tombée, et vous n'avez pas pu la supporter. Déposez vos armes et rendez-vous avant qu'il ne soit trop tard.»

Dimanche, changement de discours: il appelle désormais à «préserver l’unité nationale et la paix civile autant que possible». «Nous serons capable de vivre ensemble dans ce pays», conclut-il.

Malgré ces déclarations, la Syrie reste au bord du gouffre. Les tensions confessionnelles et les représailles semblent alimenter un cycle de violences incontrôlable, laissant planer le spectre d’un nouveau conflit généralisé.

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