Des millions de personnes touchées
Ce produit utilisé pour désinfecter l'eau est finalement toxique

Selon une récente étude scientifique, les chloramines inorganiques, largement utilisées pour désinfecter l'eau, produisent des composés toxiques. Les experts appellent à évaluer plus précisément les effets sur la santé.
Publié: 15:20 heures
Un produit utilisé pour désinfecter l'eau serait en fait toxique.
Photo: Keystone
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AFP Agence France-Presse

Un groupe de composés chimiques utilisés pour désinfecter l'eau de millions de personnes à travers le monde produit un résidu potentiellement toxique, selon une étude de scientifiques suisses et américains. Les auteurs appellent à une évaluation plus approfondie des effets sur la santé.

Les chloramines inorganiques sont utilisées depuis des décennies pour éliminer les agents pathogènes dans l'eau. Si le chlore reste le désinfectant le plus utilisé à travers le monde, les chloramines l'ont de plus en plus remplacé dans de nombreux systèmes afin de réduire certains sous-produits liés au cancer de la vessie et du côlon, à l'insuffisance pondérale à la naissance et aux fausses couches.

Plus de 113 millions d'Américains consomment de l'eau potable désinfectée aux chloramines, soit un tiers de la population. Ce composé est également utilisé en Europe, au Canada et en Asie. «Les chloramines elles-mêmes se décomposent en produits mal identifiés», a déclaré jeudi Julian Fairey, auteur principal de l'étude publiée dans la revue Science, lors d'une conférence de presse.

Enfin identifié

L'un de ces produits a été découvert il y a plus de 40 ans mais sans donner lieu à une caractérisation chimique. Il a simplement été surnommé le «produit non identifié». Julian Fairey et son équipe ont enfin percé le mystère. En utilisant une combinaison de méthodes chimiques traditionnelles et d'outils modernes, ils ont identifié le composé comme étant l'"anion chloronitramide».

Ce composé a été détecté par l'équipe dans 40 échantillons d'eau potable venant de systèmes utilisant des chloramines, avec des concentrations atteignant jusqu'à 100 microgrammes par litre, ce qui dépasse les limites réglementaires habituelles pour les sous-produits de désinfection: entre 60 et 80 microgrammes par litre.

«La structure chimique semble préoccupante, tout comme les concentrations où ce composé se forme, et nous pensons donc que des études sur les effets sur la santé sont justifiées», a déclaré Julian Fairey.

Pas en Suisse

Les entreprises chargées du traitement des eaux pourraient envisager de revenir au chlore, a suggéré le chercheur, ce qui nécessiterait toutefois des désinfectants secondaires pour neutraliser les sous-produits toxiques connus du chlore. En attendant, les scientifiques recommandent aux plus inquiets de filtrer l'eau chez eux au charbon actif.

L'étude s'est concentrée sur les systèmes d'eau aux Etats-Unis, mais l'Italie, la France, le Canada et d'autres pays utilisent également la chloramination et pourraient être concernés.

«L'eau potable chloraminée est très répandue en Amérique du Nord, mais la chloramination n'est pas vraiment pratiquée en Suisse, et il n'y a pas d'anion chloronitramide dans les eaux suisses», a indiqué Juliana Laszakovits, co-auteure de ces travaux à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), citée vendredi dans un communiqué de cette dernière.

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