Benjamin Netanyahu n'a pas pu s'en empêcher. En dépit de toutes les tentatives d'apaisement des alliés européens et même de la Maison Blanche, Israël a lancé dans la nuit de jeudi à vendredi une attaque militaire contre l'Iran. Plusieurs mini-drones, envoyés selon les Iraniens par des «intrus» à l'intérieur du pays, ont visé une base militaire dans la ville d'Ispahan, au centre du pays.
Cinq jours après avoir envoyé 300 drones et missiles sur Israël, la République islamique a, à son tour, du abattre des drones – un retour de bâton qu'elle s'est empressée de minimiser. Les médias israéliens ont, eux aussi, rapporté l'incident avec retenue. Pour Michel Wyss, expert à l'Académie militaire de l'EPFZ, c'est le signe que les deux ennemis ont quelque chose de bien précis en tête.
Michel Wyss arrive ainsi à une conclusion étonnante: «Israël semble vouloir rétablir les anciennes 'règles du jeu'. On ne commente pas publiquement les attaques et on permet ainsi aux deux parties de les contester de manière plausible.» Des drones? «Nous ne savons rien», répond officiellement Israël. Des drones? «Nous ne savons pas qui les a envoyés, répond officiellement l'Iran. Et voilà que le conflit entre les deux puissances glisse à nouveau dans un royaume obscur et empreint de confusion.
«La situation reste très dangereuse»
Ou comme le formule l'expert militaire Michel Wyss: «Si l'on en reste à la réponse israélienne actuelle, cela indique qu'aucune des deux parties ne cherche actuellement une escalade majeure.»
La situation reste néanmoins tendue. L'Iran possède dans son arsenal un mélange sauvage d'avions de combat américains et russes (datant en partie de l'époque du Shah dans les années 1970) et dispose, avec la milice du Hezbollah stationnée au Liban, d'une armée de l'ombre extrêmement puissante qui, selon les estimations, abrite 150'000 missiles.
On sait peu de choses sur les armes à longue portée d'Israël. Ce qui semble clair, c'est que l'Etat hébreu ne sacrifiera pas ses deux douzaines «Jericho II» – des missiles de 20 tonnes pouvant être équipés d'ogives nucléaires – pour des escarmouches inutiles avec l'Iran. Et selon Michel Wyss, un engagement de sa flotte moderne de chasseurs F-35 risquerait de générer des pertes. Tel-Aviv devrait en outre violer l'espace aérien de pays voisins déjà tendus, car pour atteindre l'Iran, les bombardiers israéliens devraient au moins traverser les espaces aériens jordanien, irakien, et probablement aussi saoudien.
Andreas Böhm, expert du Proche-Orient à l'université de Saint-Gall, appelle, lui, à la prudence. «La situation reste très volatile et dangereuse.» Certes, les signes indiquent actuellement que les deux parties veulent seulement dissuader et éviter l'escalade. «Mais peut-être qu'Israël attend encore, parce que la fête de Pessah (ndlr: la Pâque juive) est célébrée ce week-end.» Des experts militaires américains ont fait des suppositions similaires ces derniers jours. Selon des experts américains, si escalade il y a, elle ne se produira qu'après la fête de Pessah (du 22 au 30 avril).
Les Palestiniens sont (encore et toujours) les grands perdants
Tout cela n'aide guère les habitants de Gaza, où près de 34'000 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre selon les données palestiniennes. Israël, qui, avant cette nouvelle escalade l'Iran, était de plus en plus sous pression internationale en raison de sa violente intervention dans la bande de Gaza, semble sortir renforcé de la crise iranienne. Et l'Iran, bailleur de fonds du Hamas et protecteur officieux des Palestiniens, s'est à nouveau aliéné une grande partie de la bonne volonté déjà rare dans les pays de la région.
C'est ce qu'a démontré le comportement des Etats arabes après l'attaque iranienne contre Israël le week-end dernier. La Jordanie a abattu des drones iraniens et l'Arabie saoudite a fourni des informations de renseignement aux Israéliens.
Les Arabes aident Israël, autrefois détesté, dans le conflit qui l'oppose aux mollahs chiites de Téhéran: les cartes sont redistribuées au Proche-Orient. Les règles du jeu restent opaques, le jeu extrêmement dangereux.