Depuis le début de son deuxième mandat, pas une heure ne s'écoule sans que Donald Trump fasse la une des médias. Parmi ses nouvelles lubies? Des ambitions douteuses pour le Groenland et un projet de paradis immobilier pour la bande de Gaza. «Le Groenland est un endroit incroyable, et ses habitants en profiteraient d'autant plus s'ils faisaient partie de notre nation», a affirmé le président américain. Quant à la bande de Gaza, le républicain avait posté une vidéo créée par l'intelligence artificielle montrant un paradis de l'immobilier et du tourisme.
Autre esclandre? Sa rencontre houleuse avec le président ukrainien. «Vous jouez avec la vie de millions de personnes. Vous jouez avec la troisième guerre mondiale (...)», avait aboyé Donald Trump au chef du gouvernement ukrainien en février. Un échange choquant qui avait débouché sur le départ prématuré de Volodymyr Zelensky et l'annulation d'un accord sur les minerais ukrainiens.
L'analyse annuelle des menaces des services secrets américains, publiée fin mars et que Blick a pu consulter, prouve également à quel point Trump et ses acolytes portent un regard surprenant sur le reste du monde. En comparaison de son prédécesseur démocrate, Joe Biden, Donald Trump a d'autres priorités dans sa politique intérieure et extérieure. Blick présente les principales conclusions de l'«Annual Threat Assessment».
Lutte contre les cartels et le fentanyl
Selon les services secrets américains, la plus grande menace pour la sécurité des Etats-Unis provient actuellement des cartels de la drogue qui font le commerce d'opioïdes synthétiques comme le fentanyl. Des millions d'Américains sont dépendants à cette nouvelle substance.
Les autorités américaines citent des groupes criminels mexicains comme le cartel de Sinaloa avant même la menace étatique de la Chine, de la Russie, de l'Iran ou de la Corée du Nord. Une première.
«Au cours des douze mois précédant octobre 2024, les cartels sont en grande partie responsables des plus de 52'000 décès dus aux opioïdes de synthèse aux Etats-Unis. Ils ont également permis l'arrivée de près de trois millions d'immigrés clandestins en 2024, ce qui pèse sur les ressources et met en danger la communauté américaine», lit-on dans le rapport. Les cartels contribueraient à «l'instabilité régionale» et mettraient en danger «la santé et la sécurité de millions d'Américains».
Trump a réagi à ce danger en faisant classer par décret certains cartels de la drogue comme organisations terroristes étrangères. Cela n'a jamais été fait auparavant. Pour lutter contre la crise du fentanyl, l'administration Trump mise sur une politique d'immigration restrictive et des droits de douane punitifs contre le Mexique.
Quelques semaines après le début de son mandat, Donald Trump peut déjà se réjouir. Le nombre total de migrants qui tentent d'atteindre les Etats-Unis a déjà «considérablement diminué» depuis janvier 2025. «Le renforcement des contrôles aux frontières et les expulsions massives» ont également été mis en place.
La Chine, la Chine et encore la Chine
Environ un tiers de l'ensemble de l'analyse porte sur l'Empire du Milieu. Le mot «Chine» apparaît 103 fois dans le rapport. «La Chine se distingue comme l'acteur le plus à même de menacer les intérêts des Etats-Unis dans le monde», estiment les services de renseignement. Ils considèrent avec suspicion le «grand renouveau de la nation chinoise» proclamé par le président Xi Jinping et le Parti communiste d'ici 2049.
«Pékin continuera à développer ses capacités militaires conventionnelles et ses forces tactiques, à intensifier la concurrence dans l'espace et à poursuivre sa stratégie économique à forte intensité industrielle et technologique afin de concurrencer la puissance économique et le leadership mondial des Etats-Unis», prévoient les experts en sécurité. Le réarmement militaire de la Chine préoccupe les services de renseignement américains. l'Empire du Milieu représente «la menace militaire la plus complète et la plus forte pour la sécurité nationale des Etats-Unis».
La situation à Taïwan est également suivie de près par le gouvernement de Donald Trump. La Chine tente de faire pression sur l'Etat insulaire sur le plan économique et militaire tout en l'isolant sur la scène internationale, peut-on lire dans le document. «Les efforts agressifs de Pékin pour imposer ses revendications de souveraineté en mer de Chine méridionale et orientale aggravent les tensions qui pourraient déclencher un conflit plus large», préviennent les experts en sécurité de Trump.
Sur Internet également, la Chine menace l'ordre mondial actuel. La République populaire veut «supplanter les Etats-Unis en tant que puissance de l'intelligence artificielle la plus influente du monde d'ici 2030». Dans cette optique, les Chinois compromettent également l'infrastructure américaine avec leurs «importantes capacités cybernétiques».
Eloge de Vladimir Poutine
Dans l'analyse des menaces 2025, un Etat s'en sort particulièrement bien: la Russie. Contrairement à la Chine, l'empire du chef du Kremlin est peu critiqué. Les autorités américaines louent plutôt la capacité de résistance de la Russie face aux défis économiques causés par l'invasion de l'Ukraine. Vladimir Poutine est également glorifié. Il semble prêt à «payer un prix très élevé pour s'imposer à une époque qu'il considère comme cruciale pour la concurrence stratégique de la Russie avec les Etats-Unis, l'histoire mondiale et son héritage personnel».
Selon lui, la population russe a en grande partie accepté la guerre. L'émergence d'un rival politique semble donc «plus improbable que jamais».
Les services de renseignement américains se prononcent néanmoins pour une fin rapide du conflit. «La poursuite de la guerre comporte des risques stratégiques pour les Etats-Unis: une escalade involontaire vers une guerre à grande échelle, l'utilisation possible d'armes nucléaires, une insécurité croissante parmi les alliés de l'OTAN, notamment en Europe centrale, orientale et septentrionale, ainsi qu'une présence plus marquée de la Chine et de la Corée du Nord», expliquent-ils.
Que faut-il lire entre les lignes? Vladimir Poutine peut faire ce qu'il veut tant que la guerre n'a pas de conséquences négatives pour les Etats-Unis. Ce qu'il adviendra de l'Ukraine n'a aucune importance pour la Maison Blanche.
Le danger? Une coopération entre les ennemis de la Maison Blanche
Les raisons de s'inquiéter résident plutôt dans la coopération croissante entre les ennemis de la Maison Blanche. Le nouvel axe formé par la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord représente «de nouveaux défis pour la force et la puissance globales des Etats-Unis». Et plus particulièrement la probabilité accrue «que des tensions ou des conflits entre les Etats-Unis et l'un de ces ennemis en entraînent un autre».
C'est surtout la coopération entre la Russie et la Chine qui préoccupe l'administration américaine. Les experts en sécurité estiment qu'il existe un «risque durable» pour les Etats-Unis.
Le rapport évoque à plusieurs reprises l'Arctique et le Groenland. La Chine cherche à obtenir un accès direct aux ressources naturelles de la région. Pékin considère l'île comme une «base stratégique importante» pour l'avenir. Il en va de même pour la Russie. Moscou est particulièrement intéressée par le Groenland car des voies maritimes stratégiques entre l'Arctique et l'Atlantique y passent. La base militaire américaine présente sur l'île représente donc une épine dans le pied du chef du Kremlin.
Les Etats-Unis estiment que le danger représenté par d'autres ennemis est faible. Le régime iranien est actuellement préoccupé par le maintien de son propre pouvoir. Le mécontentement croissant de la population, la faible croissance économique et l'inflation élevée en sont la cause. Selon les estimations des services secrets américains, la Corée du Nord, qui dépend de ses alliés chinois et russe, ne représente pas un grand danger sans eux.
Menaces islamiques et changement climatique? Aucune importance
Les islamistes radicaux ne sont mentionnés qu'en marge du rapport. L'«Etat islamique» aurait subi de graves revers au Proche-Orient. Selon les services secrets américains, la branche de l'EI en Asie du Sud serait actuellement la plus dangereuse. Al-Qaïda ne représenterait un réel danger qu'au niveau régional.
Pour la première fois depuis une décennie, le rapport ne met pas en garde contre le changement climatique. Il faut dire que l'administration Trump 2.0 a d'autres priorités...