Battu et rejeté. C'est la situation dans laquelle se trouvait Donald Trump au début de l'année 2021. Seuls les plus fous d'entre les fous se réclamaient encore publiquement du président déchu et de son grand mensonge sur l'élection volée. Le 9 janvier, trois jours après la tempête au Capitole, Twitter avait confisqué le haut-parleur - pour toujours. Comme des rats sur un navire en perdition, les membres du cabinet avaient quitté la Maison Blanche les uns après les autres peu avant la fin de leur mandat.
Ceux qui sont restés ne l'avaient fait que pour endiguer le pouvoir du colérique Donald Trump. Son conseiller militaire en chef avait fait promettre à ses fonctionnaires, lors d'une réunion secrète au Pentagone, de tenir éloigné du bouton nucléaire celui qui était encore le 45e président des Etats-Unis pour quelques jours. Et le vice-président, Mike Pence, qui a dû craindre pour sa vie parce que son patron avait excité la foule contre lui le 6 janvier (il était alors présent au Capitole au moment de l'assaut), avait apparemment examiné s'il ne pouvait pas faire appel au 25e amendement de la Constitution, qui aurait permis de déclarer Donald Trump psychologiquement inapte et de le démettre de ses fonctions. Mais cela n'a pas été le cas. Et la tentative des démocrates d'impeachment a posteriori a également échoué.
Repli dans son fief, puis une salve de meetings
Ensuite, Donald Trump s'est retiré à Mar-a-Lago. Sur la terrasse de sa résidence de golf en Floride, il recevait sa cour tous les soirs. Et loin de Washington, il planifiait déjà sa vengeance contre les républicains qu'il considérait comme «déloyaux»: en poussant et soutenant des candidats dans leurs circonscriptions.
Dès l'été, il est parti en tournée. Ses meetings dans l'Ohio, l'Alabama et la Géorgie l'ont montré: son compte Twitter avait disparu, mais pas ses fans. Une bonne affaire pour Donald Trump. Dans ses e-mails, il suppliait ses ouailles de lui faire des dons pour payer ses dettes massives de campagne.
Et puis il y a eu l'Iowa. Lors du meeting de Donald Trump en octobre dernier, des candidats républicains se tenaient à ses côtés, souriants, tandis qu'il répétait son mensonge sur la fraude électorale. Un an après la tempête dévastatrice du Capitole, aucun républicain de premier plan ne critique à voix haute l'ancien président. Donald Trump a une emprise plus forte que jamais sur le parti. Ceux qui veulent ses faveurs passent par Mar-a-Lago et embrassent sa chevalière: 83 candidats et candidates ont déjà reçu le sceau de Trump pour les élections de mi-mandat de cet automne.
L'assaut du Capitole de plus en plus minimisé
Et chez les électeurs républicains aussi, l'ambiance change. L'assaut du Capitole est de plus en plus minimisé. Quatre sur dix considèrent que des actions violentes contre le gouvernement sont justifiées dans certaines circonstances, montre un sondage du «Washington Post». Douze pour cent de la population souhaite que Trump se représente en 2024, selon un sondage CBS/YouGov. Un tiers de ces personnes estiment à leur tour qu'il devrait pour cela recourir à la violence si nécessaire: des millions d'Américains se disent donc prêts à soutenir un changement de gouvernement par la force.
Et peu importe les casseroles que traîne leur favori. Ses dettes, ses démêlés avec la justice fédérale et les services fiscaux new-yorkais, ses liens avérés avec les pédocriminels Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell? Aucune importance! Le 15 janvier, Trump tiendra un meeting en Arizona. On s'attend à ce qu'il répète le mensonge de la fraude électorale et qu'il nie sa part de responsabilité dans l'assaut du Capitole.
Les élections de mi-mandat sont prévues en novembre. Soit les démocrates perdront leur très relative majorité (elle n'en est pas une dans les faits, car deux démocrates «dissidnts» bloquent quasi-systématiquement les tentatives législatives du gouvernement), soit Trump et les républicains alimenteront le mythe de «l'élection volée». Dans les deux cas, les meilleures conditions sont réunies pour que Trump se représente en 2024. Il aura alors le même âge qu'avait Joe Biden lors de la dernière campagne présidentielle. Celui-là même dont Donald Trump martelait sans cesse qu'il était trop vieux pour gouverner.
(Adaptation par Yvan Mulone)