«Au début, on nous hurlait dessus pendant quatre ou cinq minutes. Désormais, les gens nous parlent, et ce, jusqu’à trois heures parfois.» C’est ce qu’affirme le Lituanien Paulius Senuta à la «Süddeutsche Zeitung». Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le quadragénaire a lancé le projet «Call Russia» avec des experts en informatique, des spécialistes du marketing et des relations publiques. Voici comment cela fonctionne: des volontaires appellent des personnes en Russie grâce à un générateur de numéros aléatoires.
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L’objectif du projet? Transmettre des informations d’un point de vue occidental, mais aussi faire changer l’opinion des Russes. «Pendant les premiers jours de la guerre, tout le monde se mobilisait. Nous avons décidé de téléphoner», explique Paulius Senuta. Une grande majorité des Lituaniens ont des liens avec la Russie. Le pays a fait partie de l’Union soviétique jusqu’en 1990, «c’est pourquoi la plupart des Lituaniens comprennent le russe».
Paulius Senuta et ses collègues ne se sont pas laissé décourager par la colère initiale à l’autre bout du fil. Même après dix mois de guerre, ils poursuivent les appels. Jusqu’à présent, environ 51’000 personnes ont participé au projet. Près de 180’000 numéros russes ont été composés, et dans la moitié des cas, quelqu’un a répondu. Au total, le groupe a téléchargé près de 40 millions de numéros de téléphone russes sur Internet.
Méfiance envers l’armée russe
La majorité des appels proviennent de la Lituanie et des autres pays baltes, explique Paulius Senuta. Mais aussi de Russes en exil partout dans le monde. Selon la «Süddeutsche Zeitung», certaines des personnes contactées dans le cadre du projet écrivent des messages et rappellent. «On nous demande constamment où se trouve réellement la ligne de front, quelles sont les pertes dans l’armée russe et quelle est la situation en Ukraine», explique le Lituanien. Une grande méfiance envers les informations de l’armée russe a émergé.
«Nous avons élaboré une technique d’entretien avec des psychologues», rapporte Paulius Senuta. Selon lui, il faut être sincèrement intéressé, savoir écouter et supporter les points de vue du camp opposé: «Ils pensent que nous n’avons aucune idée de la réalité et que nous ne comprenons tout simplement pas la Russie.» Au cours des vingt dernières années au moins, le gouvernement russe a construit l’image d’un ennemi occidental qui ne veut qu’humilier leur nation: «En réalité, la plupart des Européens et des Américains en savent bien trop peu, voire rien du tout, sur les Russes.»
Près d’un an plus tard, les activistes téléphoniques estiment ne pas avoir atteint leur but. Mais Paulius Senuta est confiant. Et il a des raisons de l’être. La réalité du terrain commence à atteindre le peuple russe. Comme le rapporte par exemple le «New York Times», des soldats russes au front appellent chez eux et racontent ce qu’ils vivent. Les critiques pleuvent sur les capacités des autorités militaires russes, et même sur le président, Vladimir Poutine. Depuis peu, une hotline pour les soldats russes qui souhaitent se rendre a été mise en place par l’Ukraine, selon «Der Spiegel».