En juin 2023, la fin du moteur à combustion en Europe semblait scellée. A l'époque, les Etats membres de l'Union européenne (UE) avaient décidé, lors du Conseil des ministres de l'environnement, d'interdire les nouvelles immatriculations de véhicules à moteur à combustion à partir du 1er janvier 2035. L'interdiction des véhicules à combustion faisait alors partie d'une série de mesures «vertes» censées conduire l'économie et la société européenne à une neutralité totale en matière de CO2 d'ici 2050. La Suisse ne sera pas épargnée par cette interdiction — car les voitures neuves suisses doivent respecter les directives de l'UE. Ainsi, les véhicules neufs à essence ou diesel seraient également interdits chez nous à partir de 2035.
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Mais cette décision ne semble plus gravée dans le marbre. A l'approche des nouvelles élections au Parlement européen (PE) du 6 au 9 juin, ce sont surtout les politiciens européens conservateurs qui remettent en question la fin des véhicules à combustion. L'Allemand Manfred Weber (CSU) est le premier à s'exprimer. L'ex-président du Parlement européen, aujourd'hui président du groupe du Parti populaire européen (PPE) au Parlement européen, a annoncé: «Si mon groupe parvient à dégager une majorité après les élections européennes, nous reviendrons sur l'interdiction des véhicules à combustion décidée par le Parlement européen au cours de cette législature.» Du vent électoraliste? Ou un objectif politique réaliste?
La résistance était grande
Avant la décision du Conseil en juin dernier, outre des pays comme la Pologne, la Bulgarie ou l'Italie, ce sont surtout des politiciens allemands qui avaient torpillé l'interdiction des véhicules à combustion. Le ministre allemand des Transports Volker Wissing (FDP, libéral) et son parti se sont opposés à l'interdiction technologique de facto du moteur à combustion. La raison: Volker Wissing mise non seulement sur l'électrification, mais aussi sur les «e-fuels», c'est-à-dire des carburants synthétiques obtenus à partir de CO2 et d'électricité renouvelable. Les e-fuels peuvent être brûlés dans des moteurs à combustion traditionnels avec un bilan CO2 neutre et vendus dans des stations-service normales. Mais les installations de production correspondantes n'existent encore qu'à petite échelle, et les e-fuels sont également plus chers que le carburant fossile. Ce sont surtout l'aviation et la navigation qui désirent utiliser abondamment ce carburant afin de réduire leurs émissions de CO2, les avions et les cargos ne pouvant guère être électrifiés de manière rentable. Il est bien possible qu'il reste peu d'e-fuel pour les voitures.
Mais du point de vue allemand, les e-fuels pourraient, en tant que technologie de transition et pour les véhicules existants, soulager l'industrie automobile de la pression du passage à l'électrique. Ils pourraient également ralentir la disparition des emplois dans le domaine de la technique automobile classique. A l'approche des élections européennes, le sujet devrait jouer un rôle important. Les ventes de voitures électriques sont au point mort et les clients sont sceptiques en raison du prix comparativement plus élevé des voitures électriques. La perspective d'une prolongation de la durée de vie des voitures à essence et diesel serait donc un bon moyen de gagner des voix.
Y aurait-il une majorité au Parlement européen pour contrecarrer l'interdiction des voitures à combustion? Pas pour le moment. Et après les élections, uniquement si des partis de droite nationaliste comme l'AfD allemand, le RN français ou les italiens de Fratelli d'Italia parviennent à traduire l'élan de leur pays d'origine en une augmentation des voix au niveau européen. D'un autre côté, il ne faut pas s'attendre à ce que le PPE conservateur s'associe à ces partis pour former un pacte pro-combustion.
L'industrie automobile a déjà pris de l'avance
Enfin, l'industrie automobile a depuis longtemps décidé que l'avenir de l'Europe était électrique. Pour des CEO comme le patron de Stellantis Carlos Tavares, il est clair qu'il ne sera pas possible de revenir sur cette politique d'électromobilité. D'autant plus que des centaines de milliards d'euros ont déjà été investis dans les voitures électriques et l'infrastructure. Comme l'association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) continuait à s'opposer à l'interdiction des véhicules à combustion, Carlos Tavares a même mis fin à l'adhésion de son groupe à cette association. La présidente de l'association des constructeurs automobiles allemands VDA, Hildegard Müller, a récemment exigé un engagement politique clair et des conditions cadres fiables pour réussir le tournant de l'e-mobilité.
Manfred Weber a entre-temps fait marche arrière. Dans deux ans, l'UE veut vérifier si l'interdiction des voitures à combustion sera possible à partir de 2035 — en fonction des infrastructures de recharge et des ventes de voitures électriques. Manfred Weber veut profiter de cette occasion pour inscrire explicitement dans la loi que les véhicules à combustion fonctionnant avec des e-fuels puissent circuler. Revenir totalement sur l'interdiction? Il n'en est plus question.