Avant les «Pandora Papers», il y a eu les Panama Papers et les Paradise Papers. Tous révélaient des données liées à des sociétés «offshores» ou paradis fiscaux. La dernière enquête internationale à ce sujet publiée dimanche, tient son nom en partie d’après le mythe grec de Pandore: quand cette dernière a relevé le couvercle de la boîte qu’on lui avait interdit d’ouvrir, tous les maux de l’Humanité en furent libérés.
De manière moins apocalyptique, les révélations de cette nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d’investigation portent une nouvelle fois sur les paradis fiscaux, les sociétés boîtes aux lettres, les entreprises offshore et les flux d’argent dissimulés par les prestataires de services financiers de politiciens et de célébrités. Blick fait le point sur le sujet en cinq questions.
Quelle est la portée des révélations des Pandora Papers?
À ce jour, il s’agit de la plus grande fuite de données sur les transactions dans les paradis fiscaux. Les fuites concerneraient 11,9 millions de documents. Ces derniers comprennent des documents secrets sur les ententes importantes qui s’étendent jusqu’en 2021. 600 journalistes les ont analysés pour 150 médias dans le monde. Le réseau de recherche comprend la BBC, le «New York Times» et la «Süddeutsche Zeitung» (SZ),.
Quelles sont les personnalités concernées par ces fuites?
Les profiteurs des services offshore comprendraient 330 personnalités politiques et fonctionnaires, dont 35 chefs d’État et de gouvernement, actuels ou anciens. Parmi eux, le Premier ministre tchèque Andrej Babis, qui se présente comme un militant anti-corruption dans la campagne électorale actuelle. Il aurait acheté un château de campagne dans le sud de la France pour plus de 15 millions d’euros via des offres offshore, en grande partie de manière anonyme.
Selon la BBC, l’ex-Premier ministre Tony Blair et son épouse Cherie ont profité, bien que pas illégalement, d’une faille fiscale lors de l’acquisition d’un bien immobilier. La maîtresse présumée du président russe Vladimir Poutine, Svetlana Krivonogich, disposerait de son côté d’une fortune cachée considérable. Elle serait notamment constituée d’appartements de luxe et d’un yacht, selon le «New York Times».
Le président ukrainien Volodimir Selenski et le roi de Jordanie Abdullah II figurent également dans les personnalités pointées du doigt par l’enquête. Il en va de même pour le mannequin allemand Claudia Schiffer, la pop star Shakira et l’ex-membre des Beatles Ringo Starr. Selon le «SZ», Schiffer et Shakira ont déclaré qu’elles avaient respecté toutes les lois et réglementations en vigueur. Ringo Starr n'a pas réagit aux questions des journalistes. Selon les recherches, l’entraîneur de Manchester City, Pep Guardiola, a utilisé une amnistie fiscale espagnole en 2012 pour légaliser un compte bancaire secret en Andorre.
Quels pays sont épinglés?
Les personnes concernées viennent de près de 100 pays. Les Émirats arabes unis et les États-Unis sortent toutefois du lot. Dubaï, qui tente actuellement de se présenter comme une puissance mondiale avec l’exposition universelle, est mentionnée 328’132 fois dans l’enquête. Selon l'enquête, les cartels de la drogue mexicains, les élites nigérianes et les bijoutiers belges cachent leur argent dans la métropole du Golfe.
À quel point la Suisse est-elle touchée?
Environ 90 sociétés de conseil, cabinets d’avocats et études de notaires suisses seraient impliqués dans le scandale de corruption et de blanchiment d’argent mis au jour par l’enquête. «Nous jouons un grand rôle dans les révélations», souligne le «Tages-Anzeiger».
Selon le journal, qui a participé aux recherches, «des avocats, des fiduciaires et des conseillers suisses ont supervisé 7000 sociétés offshore rien que pour le compte d'un grand cabinet d’avocats des Caraïbes». Le réseau de recherche porte de graves accusations: «Les conseillers en patrimoine suisses protègent des suspects dans le monde entier.»
À quoi devrait aboutir l’enquête?
L’organisation non gouvernementale Public Eye a lancé une campagne en ligne appelant le Conseil fédéral à combler «sans délai» les lacunes de la loi. En mars dernier, le Parlement a rejeté la proposition du Conseil fédéral d’étendre la loi sur le blanchiment d’argent aux consultants.
Selon le professeur émérite de droit pénal Mark Pieth, le Parlement devrait «renverser» sa position et soumettre les avocats d’affaires à la loi sur le blanchiment d’argent. Le PS a lancé une initiative parlementaire pour «corriger» la loi sur le blanchiment d’argent. En outre, le parti dispose d’un certain nombre d’autres initiatives contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale en réserve. Le Secrétariat d’État aux questions financières internationales, quant à lui, ne voit aucune nécessité d’agir; la Suisse répondrait aux normes internationales.