Balayant les voix occidentales affirmant que Moscou avait orchestré avec Minsk l’envoi de migrants à la frontière orientale de l’Union européenne, Vladimir Poutine a renvoyé la responsabilité à l’Occident et à ses stratégies au Moyen-Orient. «Je veux que tout le monde le sache. Nous n’avons rien à voir là-dedans», a déclaré le président dans une interview télévisée.
Lors d’une rencontre à Moscou cette semaine, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et son homologue bélarusse avaient déjà affirmé que les flux de migrants étaient provoqués par les interventions militaires occidentales au Moyen-Orient.
Vladimir Poutine a affirmé que les dirigeants européens devaient s’adresser directement au président bélarusse Alexandre Loukachenko pour résoudre cette crise, ce qu’ils rechignent à faire, depuis la contestation historique ayant suivi sa réélection en 2020.
Des migrants dans le froid
Les migrants, majoritairement des Kurdes irakiens, sont coincés depuis des jours à la frontière orientale de l’Europe, dans le froid, vivotant dans des campements de fortune et brûlant du bois pour se réchauffer. Selon le Bélarus, quelque 2000 personnes sont sur place. Varsovie affirme pour sa part qu’il y a entre 3000 et 4000 migrants à la frontière.
Leur situation inquiète, les températures plongeant au fil des jours. La Pologne leur refuse l’entrée et accuse le Bélarus de les empêcher de quitter la zone. Les autorités bélarusses ont pour leur part annoncé samedi la livraison d’aide aux migrants, dont des tentes, de l’eau, du bois de chauffage et un générateur, ce qui pourrait pérenniser ce site aux portes de l’UE.
Des migrants tentent de rallier l’Union européenne depuis le Bélarus depuis plusieurs mois. Mais la situation a évolué lorsque, lundi, des centaines d’entre eux ont tenté de traverser en masse et se sont fait repousser par les gardes-frontières polonais.
Depuis, de nouvelles tentatives sporadiques de passer la frontière ont eu lieu. La police polonaise a indiqué samedi que le corps d’un jeune homme syrien avait été trouvé dans une forêt près de la frontière, la cause du décès ne pouvant pas encore être déterminée.
Ce décès fait grimper à onze le nombre de migrants trouvés morts des deux côtés de la frontière depuis le début de la crise cet été, selon des ONG.
Une vengeance du Bélarus?
L’UE accuse le président bélarusse d’avoir organisé la venue des migrants afin de se venger des sanctions occidentales contre son régime, depuis la répression brutale d’un mouvement contestant sa réélection en 2020. Alexandre Loukachenko tient le pays d’une main de fer depuis près de trois décennies.
De nouvelles sanctions européennes «seront décidées et appliquées», a pour sa part indiqué le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, dans le quotidien français Le Figaro de samedi. Dans le collimateur, notamment, la compagnie aérienne bélarusse Belavia, accusée d’avoir transporté des groupes de migrants à Minsk notamment depuis Istanbul.
Bruxelles a salué vendredi des «progrès» dans les efforts pour endiguer l’afflux de migrants après que la Turquie a interdit aux Irakiens, Syriens et Yéménites d’embarquer pour le Bélarus depuis son sol.
La Turquie a elle aussi rejeté toute responsabilité dans la crise, le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, affirmant samedi à l’AFP que blâmer Ankara serait «malavisé et déplacé».
A la frontière polono-bélarusse, la situation reste tendue, des milliers de troupes étant déployées des deux côtés. La Russie affiche son soutien au Bélarus, mais semble réticente à trop s’impliquer. Vladimir Poutine s’est ainsi désolidarisé samedi des menaces de son homologue bélarusse cette semaine d’interrompre les livraisons de gaz russe à l’Europe via le gazoduc transitant par son pays.
(ATS)