Craintes à Bruxelles
La Hongrie eurosceptique d'Orban prend la présidence de l'UE

Après la Belgique, place à l'imprévisible Hongrie: le pays de Viktor Orban a pris lundi la tête du Conseil de l'Union européenne pour six mois et a promis, face aux craintes à Bruxelles, d'agir avec «impartialité».
Publié: 01.07.2024 à 18:10 heures
Viktor Orban (à gauche sur la photo) n'a pas pu influer sur la répartition des postes clés de l'UE.
Photo: Nicolas Landemard
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ATS Agence télégraphique suisse

Dérives antidémocratiques et liens avec le Kremlin malgré l'offensive russe en Ukraine: la présidence hongroise suscite le malaise au sein du Parlement européen et chez plusieurs Etats membres, au moment où la France inquiète aussi, avec une extrême droite aux portes du pouvoir.

A Bruxelles pourtant, l'humeur était «joyeuse» lundi, selon les mots du Premier ministre hongrois, tout sourire après la cérémonie de passation avec le Premier ministre belge Alexander De Croo.

«Tout le monde est ravi que ce soit à notre tour de rendre sa grandeur à l'Europe» (Make Europe Great Again), a-t-il écrit sur X, reprenant le décrié slogan trumpien choisi par Budapest.

Le gouvernement Orban s'est dit prêt à assumer «les obligations et responsabilités» de sa mission qui court jusqu'en décembre. «Nous agirons en tant que médiateur impartial», a affirmé le ministre des Affaires européennes Janos Boka.

«Dans le même temps», a-t-il ajouté, la Hongrie profitera de la lumière pour mettre en avant sa «vision de l'Europe» et «redresser la barre (...) dans la bonne direction».

Un repaire de «libéraux et gauchistes»

Sur l'Etat de droit, l'immigration ou le conflit en Ukraine, elle compte bien faire entendre sa voix discordante, qui lui vaut des bras de fer répétés avec ses partenaires et le gel de milliards d'euros de fonds européens.

Après la dernière présidence magyare de l'UE en 2011, Viktor Orban s'était vanté d'avoir donné des «chiquenaudes, claques et gifles amicales» aux «bourreaux excités» du Parlement européen, à ses yeux un repaire de «libéraux et gauchistes».

Cette fois, le vétéran de 61 ans apparaît encore plus combatif, entre le dénigrement de «l'élite technocratique» bruxelloise et des vétos en série ces derniers mois pour bloquer l'aide militaire à Kiev.

Il avait promis «d'occuper Bruxelles» à l'issue d'élections européennes jugées «historiques», mais si le scrutin du 9 juin a marqué une percée de l'extrême droite, le raz-de-marée n'a pas eu lieu.

Et Viktor Orban n'a pu influer sur les postes clés de l'UE: malgré son opposition, les dirigeants se sont entendus pour reconduire Ursula von der Leyen à la tête de la Commission.

Quant au Parlement européen, le Premier ministre hongrois est loin de l'avoir conquis: il a perdu des députés et son parti Fidesz figure toujours parmi les non-inscrits. Des tractations sont toutefois en cours.

M. Orban a annoncé dimanche depuis Vienne son intention de former un groupe des «Patriotes pour l'Europe» aux côtés du chef du parti nationaliste autrichien FPÖ, Herbert Kickl, et de l'ancien Premier ministre tchèque Andrej Babis, fondateur du mouvement ANO.

Il lui faut encore obtenir des soutiens dans quatre autres pays pour pouvoir former une faction à part entière.

De quoi donner le ton avant de démarrer une présidence axée sur sept priorités, comme renforcer la «compétitivité économique» du bloc, mieux lutter «contre l'immigration illégale», et rapprocher les pays des Balkans occidentaux de l'adhésion à l'UE.

De l'avis des experts, Viktor Orban tentera sans doute d'entraver des dossiers et d'assouplir les restrictions sur l'Etat de droit pour récupérer les fonds européens. Mais «sa marge de manoeuvre est limitée», estime Daniel Hegedus, chercheur au centre de réflexion German Marshall Fund.

La présidence tournante permet au pays qui la détient de contrôler l'agenda des réunions des 27, un pouvoir non négligeable mais pas absolu, selon plusieurs diplomates européens.

D'autant que la Belgique et les institutions européennes ont mis les bouchées doubles pour boucler des décisions importantes et «limiter ainsi l'instabilité», explique M. Hegedus à l'AFP.

Un nouveau paquet de sanctions contre la Russie a été approuvé et des négociations d'adhésion qualifiées d'"historiques» ont été officiellement ouvertes avec l'Ukraine - deux décisions que désapprouve Viktor Orban.

M. De Croo s'est dit «fier du bilan» de son pays et a souhaité «bonne chance» à la Hongrie. «Je suis persuadé que vous saurez agir dans l'intérêt de tous les citoyens de l'UE», a-t-il lancé sur les réseaux sociaux.

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