Lundi, sur la tombe du Soldat inconnu à Kiev, elle s'est accrochée à lui au moment où il se penchait pour déposer une gerbe de fleurs, un moyen d'honorer la mémoire de ses amis et camarades de l'armée soviétique morts en combattant l'Allemagne nazie. «C'est difficile pour lui d'en parler», explique-t-elle à l'évocation de l'invasion russe par les troupes de Vladimir Poutine pour «dénazifier» l'Ukraine. «Au début, quand il regardait les informations à la télévision, il n'arrivait pas y croire».
«C'est complètement stupide tout ce qu'il se passe», continue-t-elle: «Poutine réécrit l'histoire». Depuis 2015, soit un an après les premiers combats dans le Donbass contre des séparatistes prorusses soutenus par Moscou, l'Ukraine célèbre un «Jour de la mémoire et de la réconciliation» le 8 mai, le même jour que les Occidentaux, pour se détacher des commémorations russes qui se tiennent le 9 mai.
Au même moment à Moscou, le président russe proclamait que son armée combattait en Ukraine pour défendre «la patrie» face à la «menace inacceptable» que représente son voisin, devant des milliers de soldats russes défilant sur la place Rouge. Un argument ignoré ou qui irrite les habitants de Kiev, venus rendre hommage aux morts de la Deuxième guerre mondiale face aux nazis.
Tetiana Levtchenko dit avoir eu le poil hérissé en entendant les propos de Vladimir Poutine: «Nous ne sommes pas des nazis», lâche-t-elle, furieuse. «Ce jour est une fête pour moi, une belle fête. C'est le jour de la victoire sur l'Allemagne nazie», continue cette dame de 65 ans. Entre huit et dix millions d'Ukrainiens, civils et militaires, sont morts pendant la Deuxième guerre mondiale (1939-1945), selon les historiens.
Hommages aux derniers morts
Plus tôt dans la journée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait, de son côté, invoqué les fantômes du passé pour fustiger l'entreprise menée par Moscou, affirmant que l'Ukraine était «fière» de son rôle «pour vaincre le nazisme». «Nous ne laisserons personne annexer cette victoire, se l'approprier», a-t-il appuyé dans un message vidéo, déambulant sur l'artère principale de Kiev, Khrechtchatyk.
Depuis plusieurs mois, Vladimir Poutine a constamment cherché à établir un lien entre l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les événements de la Deuxième guerre mondiale, qualifiant le régime de Kiev de «néonazi». Pas de quoi pour autant faire changer ses habitudes à Serguiï Marmouzine.
Cet ouvrier de 46 ans, dont le grand-père est mort pendant la Deuxième guerre mondiale, a décidé d'ignorer les querelles politiques en cours, affirmant que cela ne l'empêcherait pas de commémorer ce jour férié qu'il considère comme sacré.
«Bien sûr que le Jour de la Victoire est utilisé par les politiques, mais ça reste une fête pour moi», dit-il à l'AFP. A côté de lui, certains sont aussi venus rendre hommage aux militaires décédés depuis le 24 février et l'invasion russe.
Parmi eux, Nina Minorova, une enseignante retraitée de 72 ans, qui «veut commémorer nos soldats qui nous défendent». «Je veux tellement que cette guerre se termine, car elle nous a causé tant de tristesse.»
(ATS)