Notre-Dame de Paris, qui va ouvrir le 8 décembre, plus de cinq ans après un incendie ravageur, a été restaurée de fond en comble par près de 2'000 personnes. Pourtant, après toutes ces années, la justice se questionne encore sur l'origine du sinistre du monument qui avait ébranlé la France.
En avril, la procureure de Paris Laure Beccuau avait déclaré à l'occasion du cinquième anniversaire de l'incendie que «toutes les pistes, dont l'hypothèse d'une intervention humaine à l'origine de cet incendie, (étaient) explorées depuis le début des investigations.»
«Mais il est vrai que plus les recherches se sont rapprochées du lieu de départ du sinistre et plus les résultats d'analyses arrivent dans ce dossier, plus la piste accidentelle est privilégiée», soulignait-elle. La haute magistrate avait aussi évoqué les nouvelles expertises réclamées par les juges d'instruction en 2023 «visant ce qui a été retrouvé dans les décombres, le point de départ du feu et les infrastructures techniques existantes dans la cathédrale».
La piste criminelle écartée?
Ces analyses «ont été réalisées, mais vu l'aspect extrêmement technique, les magistrats instructeurs en ont demandé une synthèse», avait-elle précisé, qu'elles soient «mises en cohérence pour voir s'il est possible de déterminer une cause possible de l'incendie», avait précisé la procureure.»
Sollicité par l'AFP dans la semaine, le parquet de Paris a précisé que l'enquête était toujours en cours, ajoutant: «Le juge d'instruction a ordonné une expertise demandant la modélisation en 3D du départ de la flamme à partir des images qui ont été prises lors des faits. Cette modélisation permettra d'y confronter les différentes hypothèses.»
«Aucune mise en examen (inculpation) n'a été prononcée» à ce jour, a précisé le ministère public, tandis qu'une source proche du dossier a indiqué que la fin de l'enquête approchait. Au terme de l'enquête préliminaire, avant la saisine des magistrats instructeurs, le procureur de Paris de l'époque, Rémy Heitz, avait indiqué privilégier la piste accidentelle, évoquant un mégot mal éteint ou un dysfonctionnement électrique.
Rien ne semble depuis accréditer la piste criminelle. «Au cours de l'année écoulée, l'intégralité des zones ont pu être déblayées» sans néanmoins révéler «de nouvel élément susceptible d'être exploité», avait ainsi souligné à la mi-2023 une source judiciaire.
Des défaillances dans la sécurité
Le 15 avril 2019, l'édifice vieux de plus de 850 ans et célèbre dans le monde entier, alors en travaux de restauration, s'était embrasé et avait perdu sa flèche, sa toiture, son horloge et une partie de sa voûte, ravagées par les flammes.
Plusieurs défaillances dans la sécurité de la cathédrale ont été identifiées, notamment dans le dispositif d'alarme de l'édifice – ce qui a contribué à retarder l'appel aux pompiers le jour de l'incendie – ou sur le système électrique d'un des ascenseurs. Ces dysfonctionnements ne sont vraisemblablement pas à l'origine de l'incendie, mais ont pu permettre aux flammes de se propager dans l'édifice.
Depuis mars 2023, la justice enquête par ailleurs sur les conséquences potentiellement néfastes pour la santé de cet incendie au retentissement mondial. Dans cette enquête également toujours en cours, aucune inculpation n'a non plus été prononcée, a précisé le parquet de Paris.
400 tonnes de plomb qui inquiètent
Deux juges d'instruction parisiens sont ainsi saisis de la plainte déposée en juin 2022 par l'association Henri Pézerat de défense de la santé en lien avec le travail et l'environnement, le syndicat CGT et deux parents d'élèves, accusant les autorités de ne pas avoir pris toutes les précautions pour éviter des contaminations liées à la pollution au plomb provoquée par l'incendie.
Les plaignants s'inquiétaient des retombées au sol des 400 tonnes de plomb, un métal lourd toxique, du toit et de la flèche de Notre-Dame qui sont parties en fumée, soit «près de quatre fois les émissions annuelles de plomb dans l'atmosphère, dans la France entière».
Les juges enquêtent donc sur une possible mise en danger dont auraient été victimes aussi bien des riverains que des ouvriers qui ont dépollué le site, d'après la source judiciaire. La CGT et l'association Henri Pézerat ont été entendus comme partie civile. D'après une autre source proche du dossier, une même juge est désignée dans les deux instructions afin «d'avoir une vision d'ensemble» de l'incendie et de ses conséquences.