Les temps sont durs pour les amateurs de Bitcoin, dont les prétendues vertus contre l'inflation galopante se sont révélées inexistantes. Au contraire, après avoir frôlé en novembre 2021 la barre des 70'000 dollars, la référence du marché a vu son cours s'effondrer de près de trois quarts et s'échange aujourd'hui autour de 17'000 dollars. «En effet, les cryptodevises n'ont pas été le rempart contre l'inflation attendu par les investisseurs, ni une valeur refuge dans des marchés fluctuants», a indiqué à AWP Ipek Ozkardeskaya. L'analyste de la banque en ligne Swissquote leur reconnaît un fort potentiel de diversification, mais dans son ensemble, le marché crypto a été moins performant que son homologue boursier cette année.
L'année 2022 aura été «difficile pour les cryptomonnaies» constate sobrement la cryptobanque Seba, rappelant la chute du stablecoin UST de Terra Luna en mai, l'implosion du fonds spéculatif Hedgefonds Three Arrows Capital en juin et surtout l'effondrement de la plateforme FTX en novembre. «Ces débâcles ont laissé de nombreuses cicatrices et miné la confiance générale dans la blockchain et les cryptodevises», estiment les experts de l'établissement zougois. Même son de cloche chez Bitcoin Suisse, qui souligne que FTX a entraîné dans sa chute «d'innombrables entreprises» et s'attend à ce que le marché crypto reste très incertain l'année prochaine.
La Suisse plutôt épargnée
En Suisse, les conséquences des déboires de FTX - dont le fondateur Sam Bankman-Fried, connu dans le milieu comme «SBF», a été arrêté aux Bahamas et inculpé par le gendarme boursier américain (SEC) pour fraude – restent marginales, à en croire les principaux acteurs du marché. L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a de son côté indiqué «ne pas avoir connaissance d'expositions importantes dans le contexte des évènements FTX».
Si l'on en croit les dirigeants des cryptobanques helvétiques, le secteur a même pu profiter de la débâcle de FTX. Le directeur général de Sygnum, Mathias Imbach, a récemment laissé entendre que plusieurs centaines de millions de francs d'actifs clients avaient afflué depuis la faillite de la plateforme américaine. Selon lui, le cadre réglementaire bien établi en Suisse et la licence bancaire complète de Sygnum sont de nature à préserver la confiance des investisseurs dans un environnement particulièrement incertain. Le fait que les régulateurs agissent désormais avec fermeté représente un avantage concurrentiel pour les cryptobanques helvétiques par rapport à d'autres acteurs non réglementés. «Reste à espérer que la réglementation servira davantage à protéger les investisseurs qu'à limiter les innovations», prévient Marcus Dapp, analyste en chef de Bitcoin Suisse, rappelant que les problèmes «maison» qui ont secoué la cryptosphère peuvent être tout à fait résolus, dans la mesure où la perte de confiance est essentiellement la conséquence d'erreurs humaines.
Des monnaies encore trop peu maîtrisées
Mais selon Ipek Ozkardeskaya, Terra Luna et FTX pourraient bien n'être que la pointe de l'iceberg. «La question n'est pas de savoir si, mais quand un nouveau scandale éclatera», prédit l'experte, tout en soulignant que ceux-ci ne rendent pas le marché crypto moins prometteur, mais vont progressivement le transformer en un espace plus sûr, avec plus d'acteurs réglementés. Revenant sur la migration opérée en septembre par l'ether d'un système basé sur la preuve de travail (proof of work) à la preuve d'enjeu (proof of stake), l'analyste de Swissquote estime que si le principal rival du Bitcoin reste à ce jour le numéro deux, c'est essentiellement en raison «de la spéculation et d'une connaissance limitée des cryptomonnaies».
Monnaie emblématique de la branche, le Bitcoin continue de concentrer les afflux de capitaux. Mais à long terme, le changement de paradigme de l'ether (The Merge), avec à la clé une réduction de 99% de la consommation énergétique, devrait changer la donne. «Des centaines d'entreprises basent leur financement sur l'ether, et s'attendre à voir celui-ci détrôner le Bitcoin est ce qu'il y a de plus naturel», estime Ipek Ozkardeskaya. Selon elle, le grand public devrait toutefois être mieux informé pour orienter les fonds en fonction de fondamentaux. Ce sont ces derniers qui devraient être déterminants pour les cours, «ce qui n'est pas le cas aujourd'hui».
(ATS)