Ces dernières années, la cryptosphère a fait de nombreux enthousiastes, y compris en Suisse romande. Depuis 5 ans, on a vu naître tout un public d’adeptes majoritairement masculins, épris d’innovation et de nouvelles technologies. Ce sont de jeunes cadres, développeurs, entrepreneurs, consultants, free-lance, dont un certain nombre d’expatriés et beaucoup de curieux appâtés en lisant les forums de Reddit.
Certains avaient placé toutes leurs économies dans la cryptomonnaie TerraUSD, qui a détruit 60 milliards de valeurs en quelques jours. D’autres étaient parmi les 1,7 million de perdants dans la faillite de la plateforme de prêt Celsius Network, d’autres parmi le million de victimes de la débâcle de FTX, d’autres encore dans la simple chute du bitcoin ou d’ethereum et des centaines d’autres cryptomonnaies qui ont piqué du nez en même temps.
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Aujourd’hui, avec le plongeon de plus de 70% du marché global des cryptomonnaies sur 1 an, une majorité d’investisseurs se retrouve dans le rouge. Une étude parue en novembre indique qu’entre 73% et 81% des investisseurs en cryptomonnaies sont aujourd’hui perdants sur ce placement, selon une analyse réalisée sur la période 2015-2022.
L’explication est simple: c’est au cœur de la bulle spéculative en 2020 que le plus grand nombre d’investisseurs s’est rué sur le marché. En effet, la très vaste majorité de ceux qui ont téléchargé des apps d’investissement en cryptos l’ont fait lorsque le bitcoin valait plus de 20'000 dollars et alors que la bulle spéculative de 2020 était déjà bien avancée. Depuis le krach des 12 derniers mois, le cours du bitcoin est tombé 20% sous le niveau d’entrée de plus des trois-quarts des investisseurs.
«Nous estimons que 73% à 81% des investisseurs globaux en cryptomonnaies ont perdu de l’argent sur leur placement, et que les plus gros investisseurs ont vendu au moment où les petits se sont mis à acheter», écrit la Banque des règlements internationaux (BRI) dans le rapport précité. Le profil type de l’investisseur individuel en cryptomonnaies est, dans près de 40% des cas, un jeune homme de moins de 35 ans. Ce sont donc eux qui forment le groupe le plus exposé au marché des cryptomonnaies.
Les gros ont vendu à temps
À l’inverse, les gros investisseurs (fonds spéculatifs, firmes de trading et de gestion d’actifs, family offices) ont vendu au moment où les petits entraient sur le marché, réalisant des gains sur le dos de ces derniers. En effet, le point d’inflexion sur le marché des cryptomonnaies, qui a eu lieu le 12 novembre 2021 sur le marché du bitcoin et d’ethereum, se situe 7 jours ouvrables après la réunion de la Fed du 3 novembre, lors de laquelle Jerome Powell a annoncé que l’inflation n’était pas transitoire et que la Fed allait cesser de soutenir les marchés avec ses liquidités massives. C’est à ce moment que de gros investisseurs ont vu un signal de vente, sortant au plus haut du marché, pendant que de petits investisseurs achetaient encore (et s’exposaient à un maximum de risque).
Nous pouvons donc assister à une configuration classique de bulle spéculative. Sur la période allant d’août 2015 à novembre 2021, le prix du bitcoin est passé de 250 à 69’000 dollars. Tandis que les gros investisseurs initiés étaient entrés très tôt, les petits, eux, sont majoritairement entrés sur le marché des cryptomonnaies ces deux dernières années. Le nombre de personnes utilisant des apps mobiles pour acheter et vendre des cryptos est passé de 119'000 en 2015 à 32,5 millions sur cette période. C’est ainsi que les investisseurs tardifs encaissent l’essentiel des pertes.
Le marché des cryptomonnaies a été divisé par 4 en l’espace d’1 an
L'étude de la BRI estime que la perte moyenne par individu est de 431 dollars et qu’elle correspond environ à la moitié de la mise de départ de 900 dollars en moyenne. Plusieurs études montrent que la majorité des investisseurs en bitcoin ont des pertes non réalisées qui dorment sur leurs portefeuilles depuis des années. Près de 52% du total des 48 millions d’adresses de wallets en bitcoin se retrouvent aujourd’hui dans le rouge, c’est-à-dire que les détenteurs ont acheté des bitcoins à un prix supérieur à son cours actuel, selon une analyse de la société spécialisée IntoTheBlock.
Parmi les investisseurs institutionnels suisses, certains sont touchés par la faillite de FTX. Des fondations de libre passage suisse avaient investi les avoirs de leurs assurés dans un crypto-fonds suisse, SwissRex Crypto Fund, qui a perdu plus d’un cinquième de la fortune gérée, soit 13 millions de francs, dans la débâcle de FTX. Des avoirs qui auraient dû être gérés avec la plus grande précaution, car ils sont régis par la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP).
Mais c’est surtout au Canada que plusieurs fonds de pension s'en sont mordus les doigts d'avoir risqué les avoirs de leurs assurés sur ce marché. La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), l’un des plus gros fonds de pension du pays, avait perdu près de 200 millions de dollars suite à la faillite de Celsius Network, après être entrée sur ce marché en octobre 2021, près du sommet de la bulle. Le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (OTTP) a quant à lui perdu 95 millions de dollars dans FTX. Ce 9 décembre, on apprenait que le plus grand fonds de pension du Canada, le CPPI, cessait ses investissements sur le marché des cryptos.