Parcours d'un ancien syndicaliste et président du PS
Le chef de La Poste Christian Levrat soutient la restructuration et la suppression d'emplois

Le président de La Poste, Christian Levrat, avait autrefois encouragé le personnel à faire grève contre des mesures visant à réduire le réseau. Aujourd'hui, l'ancien syndicaliste supprime pourtant des filiales et des emplois. Analyse.
Publié: 02.06.2024 à 12:01 heures
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Dernière mise à jour: 02.06.2024 à 14:32 heures
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En 2006, Christian Levrat s'adresse aux employés de la Poste à Neuchâtel en tant que président du Syndicat de la Communication.
Photo: Keystone
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Thomas Schlittler

A première vue, cela sonnait comme une bonne nouvelle. «La Poste se tourne vers l'avenir: les besoins des clients et la numérisation dictent les étapes de son développement», a annoncé l'entreprise cette semaine. Mais derrière cette affirmation, se cache une vérité moins réjouissante. Le groupe supprimera 170 bureaux de poste et ne gérera plus que 600 bureaux en 2028.

Il y a 20 ans, La Poste comptait près de 3000 bureaux. Lorsque les responsables avaient annoncé vouloir réduire le réseau, ils s'étaient heurtés à une résistance nettement plus forte qu'aujourd'hui. Un jeune syndicaliste du canton de Fribourg avait d'ailleurs mené la vie dure à la direction du groupe: Christian Levrat.

Initiatives populaires et grèves

Aujourd'hui, Christian Levrat est passé de l'autre côté. Il est président du conseil d'administration de La Poste depuis 2021 et soutient désormais ce qu'il a toujours combattu en tant que syndicaliste et président du PS: la restructuration et les suppressions d'emplois.

L'homme politique avait d'ailleurs été l'un des initiateurs de l'initiative populaire «Services postaux pour tous», rejetée par les électeurs en 2004. En 2010, il a réitéré sa tentative avec l'initiative «Pour une poste forte». Celle-ci exigeait à nouveau «un réseau d'offices de poste couvrant l'ensemble du territoire». Il souhaitait ancrer dans la Constitution que ce réseau soit exploité par du personnel ayant un contrat de travail avec La Poste.

En tant que syndicaliste, Christian Levrat n'a pas hésité à prendre des mesures de lutte. Lorsque la direction de La Poste a annoncé en 2002 qu'elle allait réduire drastiquement le nombre de centres courrier, il avait organisé des grèves d'avertissement dans toute la Suisse. «Vous devez décider aujourd'hui si vous êtes prêts à faire grève. Le syndicat vous soutiendra dans tous les cas», avait-il affirmé aux employés de La Poste.

Aucun licenciement garanti?

À l'époque, Christian Levrat n'avait accordé aucun crédit à la promesse de la direction du groupe selon laquelle il n'y aurait pas de licenciements malgré les suppressions d'emplois. «La Poste nous prend pour des imbéciles lorsqu'elle veut nous faire croire qu'aucun licenciement n'est prévu dans le cadre d'une suppression d'emplois de 8500 unités», avait-il affirmé.

Aujourd'hui pourtant, il promet la même chose que ses prédécesseurs: aucun licenciement malgré la suppression de près de 700 emplois à temps plein. Pourquoi cette promesse serait-elle plus crédible aujourd'hui?

«Parce que nous nous attendons à court et moyen terme à un besoin de recrutement plus important. À La Poste dans son ensemble et aussi dans le réseau», a-t-il expliqué. En raison de départs, La Poste devra pourvoir environ 1380 postes dans l'ensemble du réseau d'ici 2028, explique le président de a Poste à Blick. «Au final, nous sommes donc à la recherche de 700 nouveaux collaborateurs.»

Les syndicats sont déçus par leur ancien collègue

Du côté des syndicats, l'argumentation de Christian Levrat agace. «La promesse de la direction de La Poste selon laquelle il n'y aura pas de licenciements est hypocrite», déclare David Roth, conseiller national PS et syndicaliste chez Syndicom. Selon lui, la situation est la même qu'il y a 20 ans. «Beaucoup de personnes concernées devront démissionner d'elles-mêmes parce que leur nouveau poste sera trop éloigné.»

Les représentants des travailleurs sont déçus de leur ancien compagnon. «Nous espérions qu'avec Christian Levrat à sa tête, La Poste s'engagerait davantage pour le maintien des emplois et un service public fort», déplore David Roth.

David Roth demande plutôt que de nouveaux services soient proposés dans les offices de poste, comme c'est déjà le cas dans de nombreux endroits. «L'ouverture des offices de poste aux services privés et publics a enfin commencé, c'est un succès et le potentiel est encore grand.» Avec sa «mentalité de démolition», la direction de La Poste fait obstacle à cela.

Christian Levrat ne voit pas de contradiction

Christian Levrat s'y oppose. Il ne veut pas entendre parler de «rupture», et encore moins de trahison de ses anciennes convictions. Sa position de base est restée la même, dit-il. «Je m'engage pour une Poste forte et un service public fort. Il y a 20 ans, c'était en tant que syndicaliste, il y a dix ans en tant que président du parti socialiste et aujourd'hui en tant que président du conseil d'administration de La Poste.»

C'est précisément en raison de son engagement de longue date en faveur des collaborateurs et de la population des régions périphériques qu'il a accordé une attention toute particulière à ces thèmes lors des restructurations. Avec ses propres filiales, celles avec des partenaires, des automates My Post 24, des guichets PME et le service à domicile, La Poste reste proche des gens. «Tout compte fait, les prestations de service pour les clients seront ainsi encore améliorées», affirme-t-il avec conviction.

«Les clients ont d'autres besoins qu'il y a 20 ans»

Il ne sert à rien de fermer les yeux sur un «changement structurel irréversible», affirme le président de La Poste. En 2004, 154 millions de personnes se sont rendues dans un office de poste, en 2023, on n'atteindra même pas les 90 millions. Pour Christian Levrat, il est clair que «les clients ont aujourd'hui d'autres besoins qu'il y a 20 ans».

Selon lui, La Poste doit s'adapter pour rester pertinente à long terme dans le quotidien de la population, pour offrir des emplois attractifs et un service public de première qualité. «Cela va tout à fait dans le sens de mon engagement passé et de mes convictions.»

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